L’abbaye Saint-Félix de Montceau à Gigean

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Que de fois j’ai vu écrit sur les cartes IGN « ruiné » en parlant de tel ou tel monument. Ce fut le cas de l’abbaye de Montmajour, c’est encore le cas pour celui-ci et c’est injuste. D’accord, cette abbaye n’a plus de toiture mais mérite-t-elle pour autant le terme péjoratif de « ruinée » quand on sait que tant de bénévoles s’occupent à la restaurer ? J’ai pu voir combien elle voulait vivre : une Association de sauvegarde active, des jardins fort bien entretenus, des spectacles organisés dans ses murs et un site web dédié l’abbaye Saint-Félix de Montceau : le site officiel.

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IMG_3234.JPGIMG_3216.JPGNous montons d’abord au sommet de la colline,  sur les contreforts du massif de la Gardiole1, par la boucle la plus courte (1,5km), jalonnée de panneaux d’information. 10km de sentiers sont balisés. En VTT ou à pied, qu’importe ! Arrêtez-vous pour le point de vue sur l’abbaye d’un côté, la mer ou les les_pierres_ont_la_parole.jpgétangs de l’autre. Du haut de img_3683.JPGl’escalassoun, ressemblant fortement à celui de la Camargue d’autrefois, Ti’Mars… s’est essayé à la surveillance des troupeaux. Mieux vaut ne pas avoir le vertige… Non loin de là, le(s) trésor(s) que nous cherchons : celui d’Alice = boîte cachée l’abbaye pour le jeu de geocaching , et l’abbaye elle-même, trésor de notre patrimoine religieux.

IMG_3237.JPGDe la route et de l’autoroute, on voit déjà les murs de l’abbatiale, imposante sans doute à cause des revenus dont disposait la communauté et de l’orgueil de la prieure car rien ne justifiait un tel luxe : elle ne recevait ni prince, ni roi.

Côté parking, difficile de reconnaitre l’infirmerie, le bâtiment des converses (moniales converties), l’entrée principale la plus usitée qui n’a été découverte qu’en 1992. Le grand portail nord était interdit à tous, sauf à l’évêque et au curé venu faire la messe.

enfermerie.jpgJe suis surprise en lisant l’histoire de l’abbaye qu’elle comportait une prison (enfermerie, photo du site non officiel et artistique l’abbaye Saint-Félix de Montceau XI-XIVème siècle Gigean) ; elle avait pour but de châtier les soeurs qui avaient grandement fauté. Pas de problème d’identification pour la citerne. Sa taille montre que l’eau de source ne devait pas manquer. D’ailleurs les villageois de Gigean venaient tremper le buste de Saint-Félix dans la citerne pour faire revenir l’eau en période de sécheresse. Elle était voûtée, avec un plancher et pouvait servir à la fois de réfrigérateur pour les provisions, et de réserve d’eau.

IMG_3240.JPGIMG_3241.JPGA l’intérieur du périmètre, une construction bizarre, trapue, est collée à l’abbatiale et surmontée du socle d’une tour. On devine que plusieurs constructions se sont succédées au cours des siècles. C’est une ancienne et petite chapelle romane… le dernier enfeu2 se trouvant dans le choeur, a été obturé et bâti en pierres froides3 pour permettre la construction du clocheton gothique, juste au-dessus. Extrait du site Abbaye Saint-Félix de Montceau . Ce que j’ai pris pour une tour n’est donc qu’un clocheton !
IMG_3229.jpgNous continuons la visite par le jardin monastique médiéval : le verger cimetière4 (mûriers, noyers, pêchers, néfliers,…), le potager, le jardin médicinal (des simples, c’est à dire des plantes dotées de puissants symboles), le jardin des senteurs qui était à la fois un lieu de recherche et de méditation, un lieu de dialogue entre Dieu et l’homme. Ainsi, la configuration circulaire symbolise le ciel ; le carré interne évoque la terre (qui était plate à l’époque ne l’oublions pas !), la croix évoque les 4 axes du monde ou les 4 fleuves de l’Eden, au centre figure l’arbre de vie et enfin, les fleurs louent la bonté du Seigneur. Extrait du blog Eldorad’Oc. Quelques paroles de sagesse, plantées dans le jardin, interpellent le promeneur : promeneur, arrête toi un peu, repose toi, pense à toi et tu seras le maître de ta vie. Ne cours pas après elle, mais profite du jour présent.

gigean-abbaye-interieur.jpgL’abbaye étant fermée, nous n’avons pas eu la chance de la voir de l’intérieur. Heureusement Alderic a bien voulu me confier la photo ci-contre.

Le sentier de la pierre dans le massif de la Gardiole – 2 circuits – 10km environ (le plus petit ne figure pas sur la carte mais il est très bien repéré sur le terrain)

Sur le sentier de la pierre, vous trouverez la petite  grotte de la pierre tintante. Un trou de 10m de profondeur en forte déclivité constitue un véritable piège pour les amateurs curieux. Une légende rapportée dans un journal de 1860 Les fiancés de la Gardiole (format word), raconte que pendant les périodes de grande sécheresse, les habitants de Gigean allaient jeter une figurine en plomb dans ce trou ; elle avait le pouvoir de faire cesser le fléau. Une procession spéciale accompagnait la figurine jusqu’au gouffre de Gigean. Peut-être est ce là l’origine du nom de la grotte, le plomb dans sa chute, faisant tinter la pierre…

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1gardiole (de garder) : lieu où l’on gardait autrefois les troupeaux de moutons
2enfeu : niche funéraire en arcade, à fond plat, ménagée dans les murs d’une église
3pierre froide : les pierres sont de dureté différente, de la pierre dure (ou froide) à la demi-ferme et tendre
4verger cimetière : Le verger, pomarius, accueillait fréquemment les moines dans leur repos éternel d’où le nom de verger-cimetière ; il avait donc lui aussi son aspect utilitaire intimement lié au symbolisme religieux, évocation terrestre du salut de l’âme du défunt au paradis (extrait du site Société des Amis de Port-Royal)

Sernhac, l’aqueduc de Nîmes et les Romains

img_3142.JPGimg_3143r.JPGLe site romain de Sernhac où nous emmène Buckfast, grand geocacheur gardois (si vous ne connaissez pas cette activité, voir dans le blog randomania PACA Chasse au trésor au barrage Zola), ne ressemble pas au pont du Gard, merveille classée et visitée par des milliers de touristes. C’est un endroit perdu dans la campagne où de modestes vestiges autorisent cependant une découverte passionnante et dans le calme. En cheminant au dessus de la falaise non loin de la cache des tunnels de Sernhac, nous tombons sur un des puits creusés depuis la surface jusqu’au niveau du canal ; autrefois recouvert d’une dalle, il permettait aux ouvriers d’accéder au tunnel ; il était relié aux autres puits par des galeries horizontales dans lesquelles était ensuite construit le canal. Et il fallait que les deux galeries se rejoignent !

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img_3138r.JPGOn peut examiner, sur l’aqueduc de Nîmes, le cas des deux galeries de la Perrotte et des Cantarelles creusées dans la molasse tendre de part et d’autre du vallon des Escaunes à Sernhac. Longues de 65,50 et 59,30m, elles mesurent environ 2 m de large sur 3 m de haut, ce qui offrait la possibilité d’y construire le specus1. L’observation des traces laissées par les outils permet de reconstituer l’opération de creusement […] réalisée à partir des deux extrémités et depuis des puits d’extraction. Une première galerie «de pilotage» était ouverte selon un tracé qui présentait l’avantage d’assurer la rencontre de deux équipes travaillant l’une vers l’autre, à partir du moment où les deux galeries étaient creusées au même niveau. On ouvrait ensuite la galerie définitive. […] J.-C. Bessac a évalué le temps nécessaire […] à un peu plus de deux mois pour 130 m de galerie avec 14 équipes de 2 mineurs assistés d’une quinzaine de manœuvres chargés de l’évacuation des déblais… En un peu plus six mois supplémentaires (185 jours), les mêmes équipes ont pu […] ouvrir 400 m de tunnel sous la garrigue de Sernhac. L’archéologie des aqueducs romains, ou les aqueducs romains entre projet et usage, Philippe Leveau, 2004

Nous traversons de part en part le tunnel des Cantarelles (à l’ouest), près des anciennes carrières ; si on peut y repérer encore quelques traces de coups de pioche ou d’ancrages pour les lampes à huile, on ne peut y trouver de restes de radier2 ou de dépôt calcaire ; perrotte.jpgles ouvriers y travaillaient jusqu’à extinction de leur lampe, c’est à dire entre 10 et 11h par jour. Ce tunnel, bien fléché, est plus facile à trouver que celui de la Perrotte (à droite du parking), que vous voyez sur la photo de droite, extraite du site Le pont du Gard et l’aqueduc de Nimes – guide pratique complet de visite

http://www.interlog.fr/candi/PdG/presentation.html.

sernhac-tunnels-sud.jpgL’aqueduc chemine à fleur de terre. La sortie se prolonge encore sur un à deux kilomètres : nous le retrouvons au bord de la voie ferrée, au sud de Sernhac. Nous n’avons pas eu le temps de le chercher mais il est sur la photo de gauche (auteur : Buckfast) :  à droite l’aqueduc, à gauche le canal de drainage de l’étang de Clausone devenu aujourd’hui un immense potager.

Et pour ceux qui s’intéresseraient à l’histoire, Buckfast a placé une série de 7 caches le long des vestiges de l’aqueduc romain, entre sa source et son arrivée à Nîmes. Un autre jeu de chasse au trésor -sans GPS, sur la piste des cistes, a fait de même.

Il est possible également de partir de Saint-Bonnet en empruntant le GR6.

Télécharger un exemple d’itinéraire romain à Sernhac 7km A/R, dénivelé 47m, 1h40 environ

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1specus : cave ou caverne ; par suite, on transporta ce mot au canal sombre et couvert qui servait à conduire l’eau dans un aqueduc. dictionnaire des antiquités romaines et grecques, Anthony Rich, 3e ed. 1883
2radier : partie horizontale du canal

** L’ermite de la Sainte-Baume de Lirac

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« En l’année 1647,… Joseph Queyranne,… habitant Lirac, travaillait à un four à chaux, à la combe de Vallaurouse, avec quatre autres. Ayant été obligés par un temps de pluie et de tonnerre de se mettre à couvert dans la grande baume1, ses quatre camarades s’étant endormis, ledit Qeyranne qui était attaqué du haut mal, deux à trois fois par semaine, img_2485.JPGressentant les approches de son attaque commença à se promener à grands pas d’un bout à l’autre de la baume quand tout à coup à la lueur d’un éclair, il vit paraitre dans un petit trou du rocher, une image de la Sainte-Vierge en marbre… ; il la prit… la cacha dans sa besace, la porta chez lui, la garda trois jours sans rien dire ; mais l’ayant déclaré à Guillaume, son frère aîné et celui-ci à monsieur le prieur, ce dernier fut la prendre dans leur maison et la porta décemment à l’église. »

L’archevêque ordonna la création d’une chapelle dans la baume pour y venir en pélerinage. Notre dame de Consolation était née.img_2498.JPG 
La nouvelle que Joseph Queyranne semblait guéri de sa forme d’épilepsie se répandit rapidement img_2499.jpget l’on vint en pélerinage implorer la guérison des malades. Plusieurs miracles furent enregistrés. Queyranne fit le voeu de vivre à perpétuité comme ermite de la grotte. On construisit un ermitage qui fut agrandi en 1712. Le dernier ermite abandonna l’ermitage en 1903.

Quand il souffrait de solitude, il sonnait la cloche pour img_2502.jpgsignaler aux travailleurs des environs qu’il espérait une visite. Découragé, il finit par revenir au village et mourut 3 ans plus tard de ce fameux mal qui l’avait repris. Pour compenser le voeu qui n’avait pas été tenu, la paroisse s’engagea à aller en pélerinage à la baume trois fois par an.  Pour la circonstance, la statuette du XVème siècle (cachée là durant les guerres de img_2493.JPGreligion ?), habituellement conservée à l’église paroissiale, est portée en procession jusqu’à la grotte.

Cette baume qui servit de refuge depuis la préhistoire, permit aux habitants d’échapper aux troupes huguenotes du baron des Adrets durant les guerres de religion.

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A l’heure de ma visite, la grotte est fermée. Je commence ma partie de chasse au trésor qui me fait tourner autour du soupirail qui domine la grotte. Je ne trouve pas la cache ; mais d’où a pu être prise la photo censée me guider pour trouver l’endroit ? Finalement, c’est une erreur d’altitude ; je grimpe de quelques mètres et je la trouve. Merci Buckfast ! grâce à cette cache, la journée fut passionnante et pleine d’imprévus.

Vue depuis l'ermitageJe redescends jusqu’au soupirail grillagé. Je devine dans la pénombre des  chaises alignées ; quelques minutes plus tard, une voix résonne à l’intérieur puis la cloche sonne comme une invitation à pénétrer dans l’ermitage. Olivier (de l’Association les Amis de la Sainte-Baume), fort gentiment, me fait visiter la grotte, une visite rien que pour moi. Passionné, aimant ce patrimoine spirituel comme s’il lui appartenait, il me montre au rez-de-chaussée : le creux de la grotte où est apparue la Vierge, la citerne, la cheminée qui fonctionne encore, la cuisine et la chambre de l’ermite ; par un escalier en colimaçon, nous arrivons à une autre chambre et à la sacristie. Pour ne pas déranger les ermites installés dans la grotte, un tunnel a été percé au XVIIIème siècle et sert d’entrée indépendante. Je suis autorisée à tirer sur la corde de la cloche dont le son attirera sans doute d’autres visiteurs.
Nous parlons de la restauration entamée par l’association et de l’exposition qui a lieu en ce moment à la salle des fêtes Henri de Régis. Un groupe de randonneurs venant de Lirac en passant par les grottes, rejoint bientôt l’ermitage. * Itinéraire pour se rendre à la Sainte-Baumeimg_2516.JPG

Sur les tables de la salle des fêtes, de grands albums rassemblent les articles de presse et les témoignages. Sur les panneaux, de superbes photos de la baume : comme j’aimerais en faire de semblables ! Deux autres membres de l’association me montrent la fameuse statue et les photos du baptême de la nouvelle cloche 350 ans après la découverte de la Vierge. Un vigneron de la Cave des Vins de Cru de Lirac me présente la cuvée du trentenaire de l’association. J’en achète trois bouteilles. Excellent et avec du caractère. (Si vous voulez de cette cuvée spéciale, adressez-vous à l’une des deux personnes indiquées en bas de page)

La comtesse de Sévigné encourageait le roi à boire du Lirac car ce dernier « lui faisait grand bien ». Selon la maison des vins  : « A déboucher 3 heures à l’avance, servi à 18°, ce vin trouvera sa plénitude dans 4 ou 5 ans. Accompagnera à merveille un gigot de sept heures, un magret de canard, un véritable coq fermier ou une selle d’agneau farcie aux champignons. » Le propriétaire du Château de Clary à Lirac avait importé des Etats-Unis des ceps porteurs du phylloxera. Les vignobles devinrent des oliveraies. Ce n’est que dans les années 30 que le vignoble réapparut de façon significative. Le décret du 14 octobre 1947 signe l’avènement d’une nouvelle appellation : AOC Lirac, mais surtout du premier cru des Côtes du Rhône à produire des vins dans les trois couleurs : rouge, rosé, blanc.

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1baume : grotte

Bibliographie : la Sainte-Baume de Lirac : sa grotte, son ermitage, son pélerinage – les Amis de la Sainte-Baume (Lirac Gard), C. Lacour ed, 1989

Pour se renseigner : tél. secrétaire 04 66 50 47 70 ou président 04 66 50 40 88 à Lirac (30126)