Tour des monts d’Aubrac J7 : de Laguiole à Saint-Urcize

et dernière étape de notre randonnée liberté organisée par Grand Angle. Depuis l’hôtel Régis à Laguiole (prononcé La-yole par les autochtones), ancien relais de poste du XIXe siècle transformé en hôtel de charme et de tradition, nous avons visité Laguiole, découvert ses couteaux, son fromage et son taureau de bronze sur la place, émanation symbolique de la force placide, de la fougue et de la vigueur du mâle de la race Aubrac. selon l’office du tourisme de l’Aveyron.

Photo coopérative jmontagnesLa fabrication fromagère de l’Aubrac est issue d’une tradition très ancienne ; les moines de la Dômerie l’employaient déjà au XIIe siècle. Le lait de la région est collecté pour fabriquer la tome de Laguiole qui bénéficie d’une appellation d’origine contrôlée. Je crois que presque tous les dîners qui nous seront proposés seront à base de fromage dont le célèbre aligot. Bien réussi, il a la forme d’un ruban qu’il faut entortiller autour de sa fourchette en l’étirant vers le haut pour qu’il se rompe naturellement. La coopérative Jeune Montagne

Pour 4 personnes : 1 kg de pommes de terre bintje – 400 gr de tome fraîche- 200 gr de crème fraîche épaisse – 1 ou 2 gousses d’ail – sel et poivre.
Eplucher les pommes de terre et les gousses d’ail. Couper les pommes de terre en gros morceaux et les faire cuire avec l’ail 20 minutes dans de l’eau bouillante.
Pendant ce temps, couper la tome fraîche en fine lamelles.
A la fin de la cuisson retirer l’ail, passer les pommes de terre au presse-purée en ajoutant éventuellement un peu d’eau de cuisson pour obtenir la consistance désirée.
Incorporer la crème fraîche en mélangeant avec une cuillère à bois, puis rapidement 400 gr de tome fraîche en remuant énergiquement afin d’aérer l’aligot qui doit filer au bout de la spatule en formant un ruban. On peut, si on le désire, parfumer encore d’une gousse d’ail entière écrasée. Extrait de cuisineaz.com. Une autre recette sur le site Lozère online

 

Nous sortons de Laguiole sous un ciel contrasté ; après la carrière de Rataboul qui n’a même pas retenu notre attention, c’est la ferme des Abiouradous. A l’entrée de la clairière, la piste forestière commence par un sentier botanique ; pas très sûrs de nous dans cette forêt, nous relevons le numéro de téléphone d’un riverain croisé en cours de route, au cas où…

Puis  c’est  une très longue traversée des pâturages, si longue que nous n’y prêtons plus attention jusqu’au moment où nous nous trouvons face à une barrière métallique. Interrogations. Je jette un coup d’œil sur mon GPS : si on traverse en diagonale, on rejoindra le GR mais il nous faudra déranger les vaches. Alors que nous cherchions une indication, le propriétaire depuis son tracteur, nous interpelle un peu énervé : « il faut suivre le mur ! ». Manifestement, ce n’est pas la première fois que des randonneurs se trompent. Et là, honteux, nous constatons qu’il a placé à l’entrée de son chemin d’accès, un panneau : « passage privé direction st-urcize, le long du mur ».

Nom de ce champignon ?

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Tour des monts d’Aubrac J6 : d’Aubrac à Laguiole

6ème jour de notre randonnée liberté Tour des monts d’Aubrac. Nous quittons l’hôtel de la Domerie d’Aubrac avec la sœur de la propriétaire qui doit déposer nos bagages à Laguiole (prononcez Laïole) ; pour préserver la forme physique de mon compagnon de route, elle nous laisse au carrefour de la D15 et du GRP Tour des Monts d’Aubrac ; rapidement nous pénétrons dans la forêt domaniale d’Aubrac, vestige de la forêt primitive du moyen-âge avec ses hêtres et ses pins géants mais pas très fournis. Un panneau de l’ONF nous prie de ne pas entrer dans la zone de quiétude réservée aux animaux qui s’y reproduisent en septembre-octobre ; une douzaine de cerfs du parc du château de Chambord y ont été réintroduits vers 1958. Nous sommes au pied du roc del Cun. Puis c’est la traversée des pâturages.
A la croix du Triadou, nous aurions dû prendre la piste fermée à la circulation et peu entretenue mais nous avons pris le GR qui circule parallèlement à celle-ci. Traversée à gué de la boralde1 de Poujade, pile à la frontière entre les deux communes d’Aubrac et Laguiole. En longeant la clairière des Inguillens, au loin, un ancien buron isolé forme une petite bosse. Sans doute la fourme de Laguiole y était-elle fabriquée traditionnellement ; percé d’une seule ouverture, sur un terrain en pente près d’un point d’eau, il dispose d’une pièce pour vivre et d’une cave d’affinage.
On retrouve la piste de ski noire que l’on remonte à l’envers ; de beaux panneaux colorés aux couleurs des pistes de la station de ski de Laguiole nous remettent régulièrement sur le droit chemin.  Nous passons à gué le rau (ruisseau) de Menepeyre.

Nous contournons le puech par la droite pour atteindre la croix de Pal. Par une draille entre deux clôtures qu’il faut soigneusement refermer derrière soi, nous atteignons le lieu-dit Le Vayssaire et son élevage de vaches de race Aubrac. De draille en draille, de puech en puech, les mêmes paysages à l’infini nous amènent à Laguiole, capitale du célèbre couteau Laguiole, symbolisé par une abeille forgée.

Nous nous installons à l’hôtel Régis tôt dans l’après-midi : nous aurons le temps d’admirer dans les vitrines les couteaux avec une abeille forgée, la marque ciselée sur la lame ; parfois même, l’artisan fabrique entièrement les couteaux : il forge les pièces, ciselle au burin, grave, sculpte le manche, voire forge l’abeille dans la masse comme autrefois.
Itinéraire 15km000, 4h00 déplacement (5h15 au total), 340m dénivelée
Circuit complet prévu par Grand-Angle : 23km200, 6h déplacement

1Les boraldes désignent les longues croupes qui descendent des sommets de l’Aubrac vers la vallée du Lot. Les pentes dessinent des croupes au dos rond, séparées par des entailles en V profondes creusées par les rivières multiples qui alimentent le Lot. Par extension désigne les rivières qui descendent de ces crouupes. Extrait de ARGUMENTAIRE DU PROJET DE PERIMETRE D’ETUDE DU PARC NATUREL REGIONAL DE L’AUBRAC

Tour des monts d’Aubrac J5 : de Rieutort à Aubrac

J5 de notre randonnée Liberté du Tour des monts d’Aubrac, de Rieutort d’Aubrac à Aubrac1. Le hameau d’Aubrac se situe au carrefour de trois départements (Aveyron, Cantal, Lozère) et de trois régions (Midi-Pyrénées, Auvergne et Languedoc-Roussillon). Aubrac peut être considéré comme le cœur du plateau du même nom.

Le chauffeur de taxi nous dépose à Rieutort d’Aubrac près d’un ancien abreuvoir. Le ciel est contrasté, plutôt dans les tons pluvieux mais ça donne aux paysages un côté irréel. La première croix de granit rencontrée porte sur son piédestal et sur ses branches, la trace du passage de nombreux pèlerins qui ont déposé un modeste caillou supposé provenir du lieu où ils habitent. Cette tradition persiste le long de nombreux chemins de pèlerinage dans le monde, comme à la Cruz de Ferro, en Camargue, où même en des lieux symboliques comme au cairn 2000 sur la montagne de Lure. Nous n’avons pas amené de cailloux… mais en avons déposé un prélevé sur place.

La tradition, […] veut que chaque pèlerin dépose au pied de la croix une pierre ou un caillou transporté depuis le lieu de départ. Ce poids supplémentaire et inutile dans le sac à dos représente les choses superficielles auxquelles nous accordons souvent une trop grande importance dans la vie… Le pèlerin, arrivé au point culminant du Camino, peut se libérer de ce qui lui pèse, avant d’entamer la dernière partie de son parcours vers le tombeau de l’apôtre. Selon Le Camino francés culmine à la Cruz de Ferro

En face du pré où un taureau est en train de paître, s’étale Bouquincan ! un drôle de nom pour cet ancien moulin, nom que l’on retrouve dans plusieurs livres anciens écrits en français (mémoires sur l’ancienne chevalerie, Jean-Baptiste de La Curne De Sainte-Palaye ou La surprise du sieur de Soubise ; de Bouquincan general de l’armée Angloise, avec la deffaite de leur suitte, 1627) et qui désigne le duc de Buckingham. Dans plusieurs dictionnaires français-provençal du XVIIIè, ce terme désigne aussi un ‘bonnet à forme haute’ dont les bords se rabattent pour se protéger du mauvais temps. L’origine est-elle donc historique ou par analogie avec la forme d’une hauteur environnante ? A en croire le site de la commune de Marchastel, leur château fut assiégé et pris par les Anglais sous le règne de Charles V (pendant la guerre de Cent Ans). Les Anglais, qui avaient campé dans la plaine le long du Bès, y auraient édifié un moulin dont le nom francisé n’est autre que celui du duc de Buckingham.

Le territoire de Marchastel même n’est qu’une vaste étendue de pâturages verts ; au coeur de cette prairie humide, la végétation reste verte tout l’été. L’Aubrac possède un chevelu dense de cours d’eau : un « château d’eau » naturel.

Le lit majeur du Bès est très étendu et très peu encaissé. Il s’étend dans les tourbières séparées de quelques buttes arrondies ; une vallée se forme et des terrasses non inondables apparaissent de chaque côté du lit.

Une première vache traverse la rivière facilement, à l’endroit le moins profond ; après un long moment d’hésitation, une vache puis deux puis le troupeau suivent la première en beuglant : elles ont de l’eau au dessus du genou, elles s’inquiètent. Pas si bête la première qui a donné le signal aux autres.

Après le Puech del Pont (voir le panoramique de Hervé Sentucq), plusieurs pancartes non équivoques interpellent le pèlerin en quête d’hébergement ou de nourriture ; après Carouquet Haut et son buron, nous arrivons au pont sur le Bès, une des principales rivières de l’Aubrac.

A Mongros, les informations se juxtaposent en hauteur : le GR, le sentier jaune, la coquille des pèlerins de Compostelle, le circuit du Déroc et une flèche rouge.
Vidéo de la cascade vue d’un drône, par Christian Segonne.

Après la publicité pour un taxi et pour un restaurant fiché dans un poteau de bois, nous arrivons à Nasbinals. Les maisons et  les commerces se groupent autour de l’imposante église Sainte-Marie, un des fleurons de l’art roman en Aubrac. Elle fut construite dès le XIè siècle par les moines de Saint-Victor de Marseille comme centre d’un prieuré dépendant d’Aubrac accueillant les pèlerins avant une étape particulièrement difficile par mauvais temps. Elle est remarquable par la polychromie de ses matériaux, son clocher octogonal et la voûte de la nef en ogive.

Créé en 2003 par une association locale, le festival Phot’Aubrac est un festival photo dédié aux amateurs de photographies.  Sur un mur de Nasbinals, je tombe sur une photo géante du photographe naturaliste Renaud Dengreville.  Assistant réalisateur sur le film microcosmos, il parcourt le plateau à la recherche des images qui illustreront son prochain ouvrage ou son prochain film. Chenille de cucullie ?

Après une pause, nous repartons sur le GR 65, passant à côté de la stèle d’un marcheur de 58 ans décédé en chemin en 2011. Après le champ de gentianes desséchées, les murets de pierre sèche, nous entrons dans un sous-bois humide.
Un rapace vole très haut dans le ciel : avec sa queue en triangle concave, serait-ce un milan royal ?

Plutôt charognard, il préfère consommer des animaux morts que de leur faire la chasse. Il est assez commun en Lozère. Les zones humides d’Aubrac étant des milieux ouverts par excellence, elles l’attirent. Les populations semblent stables et même en augmentation dans le sud du pays : Massif Central, Piémont pyrénéen et Corse. La plupart des milans royaux d’Europe de l’Ouest passent la saison froide en Espagne où il a été recensé jusqu’à 60000 hivernants. Un petit nombre d’entre eux volent jusqu’en Afrique du Nord.

Commence alors une longue ligne droite que nous parcourons tout en discutant. Soudain, nous nous trouvons à la ferme de Pascalet ; les propriétaires, juchés sur leur tracteur, font de grands gestes de dénégation pour signaler notre erreur. Il faut prendre la barrière un peu avant mais nous n’avons pas vu le balisage. Demi-tour. Une centaine de mètres plus loin, un message affiché à la barrière, nous invite à laisser notre obole en faveur des propriétaires qui entretiennent et aménagent le sentier. Ensuite, le pâturâge à perte de vue, sur des kilomètres et juste quelques traditionnels burons comme à Ginestouse bas, complètement perdus dans la verdure. A la barrière de sortie, nous retrouvons un morceau de hêtraie préservée de la déforestation. André et moi y déjeunons, observant les pèlerins pressés fiers de marcher 30km par jour : et nous,  nous prenons tout notre temps.

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