Les berges de l’Allier à partir de la tour de Villemouze

Quelques jours dans l’Allier avec mon frère et sa famille et déjà j’ai la bougeotte ; depuis plusieurs semaines, il fait si chaud en Provence où j’habite que je n’ai pas pu marcher. J’expose donc ma requête à l’office de tourisme de Saint-Pourçain sur Sioule ; pour la partager avec des non-marcheurs, il me faut : une balade nature, pas loin, pas longue, pas difficile, peu de dénivelée et pour moi avec un peu de patrimoine. L’hôtesse d’accueil, fort souriante, m’en propose plusieurs ; je retiens ‘la tour de Villemouze’.

Pour y accéder ce sera galère car justement la route D46 qui y mène directement est fermée. Après quelques petites routes étroites, et un chemin de terre dont on ignore l’issue, nous arrivons près des camions qui défilent sans arrêt. Dans un premier temps, nous allons jusqu’à la tour de Villemouze : un habitant nous indique que le départ des randonnées se situe désormais un peu plus loin en direction de Saint-Pourçain, après les grosses pierres, au panneau d’information.

La tour de Villemouze est le dernier vestige du château-fort et du fief de Villemouze (XIVe), autrefois situé dans la paroisse de Contigny (diocèse de Clermont) et berceau de la famille Chavagnac. Le sieur de Villemouze était seigneur justicier et vassal de la châtellenie de Verneuil en 1566. De l’ancien château-fort, il ne subsiste plus que cette tour caractéristique, située dans la cour d’un domaine. Contigny, histoire générale des origines à l’époque actuelle, Jolivet Albert, 1958

Dans ce château, M. Devaulx y a élevé des vers à soie au début du XIXe ; 123 livres de soie pour onze onces de graines [mûriers blancs]. Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, Société d’agriculture de Paris, Société royale d’agriculture de Paris, 1829

Mais le plus incroyable c’est qu’à Villemouze, le long de la route D46, dans un paysage de champs et d’étangs à perte de vue, passait une ligne de chemin de fer à voie étroite, d’intérêt économique (transport de marchandises : charbon et métaux, minerais, bestiaux, céréales, etc) ; en 1884, le conseil général de l’époque émet le vœu que dans le nouveau chemin de fer à voie étroite de Varennes à Saint-Pourçain une halte soit établie à Villemouze ; elle sera située au carrefour du chemin de Contigny (par Rachailler) et du chemin de Paray sur Briailles, donc non loin de la tour. Je ne l’ai pas retrouvée ; elle devait ressembler à celle ci-contre à droite, simple abri sans fenêtre.

Cette ligne de 103 km (portion en rouge sur la carte), exploitée par la Société générale des chemins de fer économiques, reliait Varennes à Marcillat. Elle était jadis parcourue par les fameux « tacots », trains à locomotive à vapeur. Elle a ouvert par tronçons entre 1887 et 1891. Toute la ligne sera fermée définitivement en 1939.
Selon le reportage de François Librini sur la Ligne Varennes-sur-Allier – Marcillat

Les jours de foire à Montmarault, le premier train part à 3h56 du matin de Varennes mais ne dessert pas Villemouze. Celui de 9h15 y passe à 9h30 et arrive à  Saint-Pourçain à 9h52 soit une moyenne de 37km/h !
La ligne est peu fréquentée ; en 1926, elle est toujours utilisée par les ouvriers de Varennes ou de Saint-Pourçain ; M. Poquet demande donc au Conseil général que tous les trains du chemin de fer économique s’y arrêtent, précisant aussi que le lieu est également fréquenté par les pêcheurs et que deux auberges s’y trouvent. Rapports et délibérations / Conseil général de l’Allier, Conseil général de l’Allier, Conseil général de l’Allier (Moulins), 1926-08

Nous partons donc du parking aménagé ; un grand panneau d’informations nous apprend que le plan d’eau de pêche est soumis à la règle du no-kill1 (remise à l’eau immédiate des carpes et carnassiers) ; les poissons blancs peuvent être conservés provisoirement en bourriche ; on peut faire du télé-ski nautique à l’extrémité du plan d’eau proche de la route.

La piste contourne le plan d’eau ; rapidement la tour de Villemouze apparaît derrière les fils tendus dans le wake park.

Datée du XIIIe siècle, elle est d’une architecture rare dans la région, assortissant briques et bois. Avec un étage à encorbellement faisant mâchicoulis, des murs de trois pieds (un mètre) d’épaisseur, elle indique nettement sa destination défensive.
La porte renaissance, rajoutée au XVIe siècle, est surmontée d’un fronton rectangulaire. Extrait de la fiche de randonnée remise par l’Office de Tourisme de Saint-Pourçain

Nous ne tarderons pas à croiser des pêcheurs, une famille qui s’est installée sous des tentes ; le père a posé un berceau sur pied qui ressemble fort au premier berceau dans lequel ma fille aînée était transportée en voiture en 1973. Mais il est plus léger ; c’est un tapis de réception pour la pêche à la carpe.

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Au fil de l’eau la Valserine, à pied, à vélo, en voiture

Invitée par Ain tourisme pour le lancement de testAin rando, j’ai recherché ce qui caractérisait le département de l’Ain  si peu connu de mon entourage. Je résumerai :

  • Traversé par la chaîne du haut Jura, ce département compte les plus hauts sommets du Jura : le Crêt de la Neige (1720m), le Reculet (1719 on a failli y aller). Voir dans ce blog l’article Vers le sommet du Reculet et le balcon du Léman
  • Un tram de campagne entre Bellegarde et le village de Chézery
  • Plusieurs fromages au goût unique : le bleu de Gex, la tome de l’Ain et le comté ; une spécialité que je n’avais jamais goûtée : les saucisses au bleu !
  • 7 sites classés, 11 MH monuments historiques inscrits ou classés dont 2 à Chézery Forens dont on ne nous parlera pas (la statue de la Vierge à l’enfant en bois polychrome, la borne frontière entre la Franche-Comté et le Bugey datée de 1613)
  • Aucune industrie polluante n’est située sur le territoire du pays de Gex Evaluation environnementale de la communauté de communes du pays de Gex
  • le CERN, centre de recherche ayant découvert récemment des particules dépassant la vitesse de la lumière.
  • une zone franche : l’instauration d’une zone franche à Bellegarde, particularité politique économique et douanière, fit suite aux découpages territoriaux du Traité de Paris (1815). Pour maintenir les relations séculaires entre Genève et le Pays de Gex, que la ville considérait comme son arrière-pays nourricier, le statut de zone franche donnait la possibilité d’importer en Suisse certains produits en franchise de droits de douane.
  • des sports d’été et d’hiver, certainement à un prix plus raisonnable que dans les Alpes
  • une nature bien verte… ce que dit du massif jurassien le cahier des charges du fromage de Comté :

    L’ensemble de la zone se caractérise par un climat de type continental, avec de grandes amplitudes thermiques entre l’hiver et l’été, et des précipitations qui, bien que réparties sur toute l’année, sont importantes en été. […] C’est un milieu montagnard ou sub-montagnard très arrosé avec une pluviométrie annuelle toujours supérieure à 900 mm et généralement supérieure  à 1000 mm. [Aix-en-Provence : 554mm, soit la moitié]

La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

C’est vrai que la pluie n’est pas un argument favorable au tourisme mais il faut bien en tenir compte, soit en inventant des loisirs d’intérieur (espaces de jeux couverts, musées, expositions, dégustations, activités créatives autour de l’artisanat local, etc), soit en inventant des activités autour de la pluie (!), soit en proposant des balades courtes et ludiques à l’extérieur (être mouillé un peu, ça passe, être mouillé  trop, ça ne met pas de bonne humeur…) en portant un bel et long imperméable aux couleurs de « l’Ain, mon luxe au naturel »…

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* Les pertes de la Valserine

Un petit groupe de blogueurs, invités par Ain Tourisme  à l’occasion du lancement de testAin Rando, se retrouvent au pont du tram à Bellegarde sur Valserine : les uns partiront en VTT, les autres à pied jusqu’aux pertes de la Valserine avec une guide désignée au pied levé en remplacement de quelqu’un d’autre. Ça ne commence pas très bien : dans le sens suggéré par Sylvain Poncet le moniteur VTT, il n’y a pas de balisage. Recours à la carte puis aux habitants. Demi-tour : nous suivrons finalement le parcours dans le sens fléché. Peu de temps après, nous aurons la vision de ce qui nous attend quand nous serons au bord de la rivière.

La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

tramway_bellegarde_chezery.JPGUn tram de campagne (à voie métrique1) qui joignait  Bellegarde à Chézery à travers champs et forêts me semble bien insolite et ne s’explique que par l’utilité publique décrétée en 1906. En 1910, la plupart des travaux sont terminés mais des éboulements obligent à des travaux de soutènement. Pont_des_pierres_Montanges.jpgAvec son arche unique de 80m d’ouverture et 65m de hauteur, le pont des pierres est à l’époque un des plus remarquables d’Europe. En 1911, la ligne est électrifiée à partir de l’usine hydro-électrique Sous-Roche et mise en service en 1912, inaugurée officiellement en 1913. Il fallait une heure quarante pour parcourir les 19.838km de la ligne. Pendant la première guerre mondiale le trafic des voyageurs reste modeste et celui des marchandises insuffisant. L’exploitation du tram est déficitaire ; en 1937, le conseil général décide de substituer des autobus et camions au tram.  Extrait du bulletin municipal de Chézery-Forens, février 2006

A trois les discussions vont bon train. Dans les sous-bois humides, les bolets s’offrent à la cueillette. Le chemin entrelacé de racines d’arbres, ou caillouteux, s’avère être un piège par temps humide. Nous atteignons bientôt le lieu des pertes de la Valserine, où se perdent en canyon les eaux de la rivière.

poste_douane_pont_oulles.jpgCabane_douaniers (site non officiel) http://etcomp.pagesperso-orange.fr/bellegarde/index.htmNous traversons le pont des Oulles2 autrefois naturel mais constitué aujourd’hui de grosses dalles de pierres et traverses de bois. Il servait de passage aux contrebandiers, paysans, commerçants et guerriers. Souvenez-vous, le Pays de Gex est en zone franche.

Surprise par la beauté et la curiosité du site, chacune d’entre nous chemine selon son inspiration : canyons creusés par la rivière, marmites sculptées tout en rondeurs par la force et la vitesse de l’eau, cupules en surface, eaux abondantes à l’amont, eaux perdues dans les profondeurs du sol à l’aval. . Il faut veiller à ne pas tomber dans les pièges que constituent les nombreux trous sculptés par la Valserine. Un bâtiment en ruine à deux étages, sur lequel on peut encore lire BIE… ou BIM…, se dresse rive gauche : d’après ETcomp, il s’agit de l’ancien café de la Valserine. Au fond d’une cuve, un liquide visqueux et jaune me fait penser à de l’huile de vidange. Est-ce possible ?

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