Un petit groupe de blogueurs, invités par Ain Tourisme à l’occasion du lancement de testAin Rando, se retrouvent au pont du tram à Bellegarde sur Valserine : les uns partiront en VTT, les autres à pied jusqu’aux pertes de la Valserine avec une guide désignée au pied levé en remplacement de quelqu’un d’autre. Ça ne commence pas très bien : dans le sens suggéré par Sylvain Poncet le moniteur VTT, il n’y a pas de balisage. Recours à la carte puis aux habitants. Demi-tour : nous suivrons finalement le parcours dans le sens fléché. Peu de temps après, nous aurons la vision de ce qui nous attend quand nous serons au bord de la rivière.
avec prévisions à 3 jours
Un tram de campagne (à voie métrique1) qui joignait Bellegarde à Chézery à travers champs et forêts me semble bien insolite et ne s’explique que par l’utilité publique décrétée en 1906. En 1910, la plupart des travaux sont terminés mais des éboulements obligent à des travaux de soutènement. Avec son arche unique de 80m d’ouverture et 65m de hauteur, le pont des pierres est à l’époque un des plus remarquables d’Europe. En 1911, la ligne est électrifiée à partir de l’usine hydro-électrique Sous-Roche et mise en service en 1912, inaugurée officiellement en 1913. Il fallait une heure quarante pour parcourir les 19.838km de la ligne. Pendant la première guerre mondiale le trafic des voyageurs reste modeste et celui des marchandises insuffisant. L’exploitation du tram est déficitaire ; en 1937, le conseil général décide de substituer des autobus et camions au tram. Extrait du bulletin municipal de Chézery-Forens, février 2006
A trois les discussions vont bon train. Dans les sous-bois humides, les bolets s’offrent à la cueillette. Le chemin entrelacé de racines d’arbres, ou caillouteux, s’avère être un piège par temps humide. Nous atteignons bientôt le lieu des pertes de la Valserine, où se perdent en canyon les eaux de la rivière.
Nous traversons le pont des Oulles2 autrefois naturel mais constitué aujourd’hui de grosses dalles de pierres et traverses de bois. Il servait de passage aux contrebandiers, paysans, commerçants et guerriers. Souvenez-vous, le Pays de Gex est en zone franche.
Surprise par la beauté et la curiosité du site, chacune d’entre nous chemine selon son inspiration : canyons creusés par la rivière, marmites sculptées tout en rondeurs par la force et la vitesse de l’eau, cupules en surface, eaux abondantes à l’amont, eaux perdues dans les profondeurs du sol à l’aval. . Il faut veiller à ne pas tomber dans les pièges que constituent les nombreux trous sculptés par la Valserine. Un bâtiment en ruine à deux étages, sur lequel on peut encore lire BIE… ou BIM…, se dresse rive gauche : d’après ETcomp, il s’agit de l’ancien café de la Valserine. Au fond d’une cuve, un liquide visqueux et jaune me fait penser à de l’huile de vidange. Est-ce possible ?
Nous observons longuement un canyon encombré de nombreux déchets végétaux ; l’eau qui s’y écoule amène des flocons qui s’agglutinent en bas du canyon sous forme de couche jaunâtre. Résultat du traitement de floculation de l’usine de traitement des eaux de Chatillon en Michaille ?
Nous remontons la rivière sur des rochers mouillés et glissants. Pour les éviter, nous pénétrons dans un sous-bois sombre couvert de mousses. Curieux et presque inquiétant. Demi-tour.
La balade continue le long des frayères, zone aménagée pour la reproduction des poissons. L’intérêt de la Valserine pour les Salmonidés est indéniable. D’ailleurs, à l’hôtel où nous logions, la truite était le grand sujet de conversation. Cette rivière est dite de qualité ‘très bonne’.
Curieux périscope caché dans la verdure, le piézomètre (merci Michel Royon pour l’identification !) mesure la hauteur de la nappe phréatique, mais surtout il a relevé la nature de la pollution que j’avais repérée aux pertes de la Valserine.
La SNCF exploitait une installation de stockage et de distribution de carburant sur la plate-forme ferroviaire située au nord-est de la gare de Bellegarde sur Valserine. Cette installation était constituée de 3 cuves aériennes de gasoil de capacité unitaire égale à 37,5 m3 […]. Un seul piézomètre a pu être relevé et les analyses montrent une concentration en hydrocarbures égale à 1080 µg/l, très légèrement supérieure à la limite de qualité des « eaux brutes destinées à la production d’eau destinées à la consommation humaine ». Extrait de Pollution des sols du ministère de l’écologie
Le barrage Métral offre désormais un cadre naturel enchanteur pour les promeneurs : des cascades, un ancien bâtiment envahi par la verdure, une sculpture de bois de José Le Piez qui s’exprime ainsi dans la Tribune républicaine du 6 janvier 2011 : C’est un travail d’improvisation, j’ai interprété quelques traits du paysage : une virgule comme un aileron de requin pour le lac du Creux, […] des courbes et des formes géométriques pour le barrage Métral, […], une rencontre entre le bois et le minéral pour le Rocher des Hirondelles […] .
L’échelle à poissons permet aux poissons de franchir tant bien que mal l’obstacle créé par l’Homme sur ce cours d’eau ; l’ancienne bâtisse que nous contournons, devait abriter la pompe Métral à engrenages en bois, chargée de remonter l’eau dans des réservoirs situés près du cimetière.
Le moulin qu’il y avait autrefois a été remplacé par une filature, puis une fonderie. Le barrage de Métral alimente de nos jours une micro-centrale électrique.
Une longue passerelle, précédée d’un avertissement sur sa dangerosité, longe maintenant la rivière. Passage à côté de la cascade rafraîchissante de Rougeland. La rivière change de décor avec des ilots de verdure au milieu de l’eau ou d’inattendus bancs de sable.
Dans l’eau trois piliers en forme de trapèze, avec une rainure latérale creusée à la verticale, m’ont fait penser qu’il s’agissait du vestige d’un pilier de la première usine télémécanique, installée au confluent du Rhône et de la Valserine en 1871, donc plus au sud. Mais au vu des documents anciens sur l’usine de Coupy (site Eric Toiseux) et des Photos du quartier de la papeterie, je ne pense pas qu’il s’agisse de cela (Peut-être ceux de la télémécanique de Dumont pour le moulin ?). Tout le long du parcours jusqu’aux usines qu’elle devait alimenter (scierie, papeterie, etc), les piliers s’alignaient parfaitement. Sur des roues de 5.75m de diamètre, des câbles d’acier courant à une vitesse de 75km/h transmettaient l’énergie par le biais d’une double ligne télémécanique (Archives municipales Bellegarde, 2F1). Cette technique importée de Suisse par l’administrateur-gérant de la compagnie hydraulique du Rhône Gerhard Lomer, fut convertie à la production d’électricité pour le département de l’Ain en 1897 et fonctionnera jusqu’en 1948, date de la mise en eau du barrage de Génissiat. A partir de 1884, la situation de la Compagnie Générale sera aggravée par la concurrence de la centrale hydro-électrique de Louis Dumont (merci André Ferraton pour les informations sur l’usine de télémécanique).
Après avoir longé son canal d’amenée de l’eau, nous arrivons au moulin Convert partiellement construit contre le rocher. C’est Louis Dumont qui trouva le financement pour les travaux qui alimentait la minoterie en énergie par une télémécanique, et ce, pour le compte d’un minotier de Genève (1880). Puis il établit une centrale hydroélectrique fin 1884 grâce au soutien financier de Maurice de Chanteau ; elle comprenait deux turbines : Bellegarde fut donc la première ville de France à disposer de l’éclairage public. La télémécanique fut abandonnée vers 1910. Le moulin à farine fut vendu à Convert fils en 1884 et cessa toute activité en 1945. Il y a donc bien eu deux usines de télémécanique puis deux usines hydro-électriques à Bellegarde : de nombreux sites internet semblent faire la confusion.
L’eau à Genève et dans la région Rhône-Alpes : XIXe-XXe siècles,Serge Paquier, Editions L’Harmattan, 2007 consultable sous forme de book
Nous passons sur l’autre rive par la passerelle. La plus ancienne usine hydro-électrique de France (usine de la Valserine dite Chanteau), créée en 1884, se trouvait près du pont de chemin de fer, accolée à la biscuiterie de l’Amandier mais nous ne la verrons pas, rejoignant trop vite le centre de Bellegarde par un sentier qui semble desservir des propriétés privées. Nous découvrons alors la route qu’il aurait fallu prendre si nous avions fait le circuit à l’envers.
La multicache GC1CWQ1 les pertes de la Valserine par didou01, ne peut être faite totalement avec le tracé ci-dessous. Suivez-bien les indications de la fiche.
Image de l’itinéraire 5km100, 125m dénivelée, 2h05
Un itinéraire court mais agréable avec plein de curiosités à découvrir ; notre guide ne connaissant pas la balade n’a pu ni commenter les lieux, ni nous montrer le ‘chapeau de Napoléon’, l’ancienne cabane de douanes, l’ancienne biscuiterie l’Amandier et son usine hydro-électrique évoqués sur de nombreux sites, ce que, personnellement, je regrette (mais cela me donnera peut-être l’occasion de revenir…). Je n’ai même pas réussi à contacter l’office du tourisme de Bellegarde au travers de leur formulaire (erreur technique) pour qu’il m’envoie par courrier la documentation sur cette balade.
Vous retrouverez également des infos (stations 18 à 21) dans le petit guide Au fil de l’eau la Valserine, Pays de Gex et Bellegardien, 2011, disponible à l’office du tourisme de Bellegarde et Mijoux, à la maison du tourisme des Monts-Jura à Lélex.
1Une voie métrique est une voie ferrée dont l’écartement entre rails est de 1000 mm. Elle fait partie des voies étroites [et] fut le propre des chemins de fer français départementaux
2oulles : marmites
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