** La reine des citadelles à Lille

Le souvenir que je gardais de la citadelle de Lille n’était pas glorieux : lieu mal fréquenté et sale, canal malodorant, J’y retourne donc plusieurs dizaines d’années plus tard et j’en ressors convaincue : le lieu est entretenu, une  signalétique a été posée, un GR y passe, des oiseaux y vivent, des bancs permettent de s’y reposer et il y a plein de choses à voir comme le bois de la Deûle : 1880, jardin d’enfants : 1950, parc aux bêtes : 1954. En 1882, la Ville choisit d’y créer la promenade du Bois de la Deûle. De nouveaux chemins, allées, bancs et arbres sont aménagés, dans le respect des modelés des fortifications, conformément à l’accord passé avec les autorités militaires.

Édifiée sur ordre de Louis XIV à sa conquête de la ville, la construction de la Citadelle s’est effectuée de 1667 à 1670, sous la houlette du Marquis de Vauban. […] Bâtie sur un terrain marécageux, la Citadelle profitait d’un ingénieux système d’inondation de ses abords qui multipliait les obstacles au-devant de l’enceinte : fossés, tenailles et demi-lunes.

Le plan de la citadelle observe la forme d’un pentagone pourvu de 5 bastions reliés les uns aux autres par 5 murs appelés  courtines. […] Cette première enceinte permettait de maintenir l’ennemi à distance, chaque bastion se protégeant l’un l’autre grâce à l’absence d’angle mort. Derrière ces ultimes remparts se tiennent les casernes […]. Une innovation à l’époque ! Parc de la citadelle

Cette citadelle fait partie du Pré carré imaginé par Vauban, une double ligne de forteresses françaises gardant la frontière à différentes étapes de la guerre de Succession d’Espagne (image wikipedia, étoiles vertes ː première ligne, étoiles bleues ː seconde ligne). Le 3 janvier 1673 Vauban écrit à Louvois, ministre de la guerre :

Sérieusement, Monseigneur, le Roy devrait un peu songer à faire son pré carré. Cette confusion de places amies et ennemies pêle-mêle ne me plaît point ; vous êtes obligé d’en entretenir trois pour une, vos peuples en sont tourmentés, vos dépenses de beaucoup augmentées et vos forces de beaucoup diminuées… C’est pourquoi, soit par traité ou par une bonne guerre, […] prêchez toujours la quadrature, non pas du cercle, mais du pré. C’est une belle et bonne chose que de pouvoir tenir son fait des deux mains.

La Liane (L1 centre commercial Fâches-Thumesnil-Wambrechies), double bus lillois traversant la ville en partant de la banlieue sud et m’arrête boulevard de la Liberté, à deux pas du jardin Vauban qui jouxte la citadelle. Je traverse le jardin et longe le quai de la Citadelle en direction de l’écluse de la Barre. Un couple accompagné d’un jeune chien de chasse s’amuse à exciter l’animal qui aboie contre les canards ; à force d’incitation, le chien saute à l’eau et rapidement tente de remonter sur la berge, sans y parvenir ; l’eau est particulièrement froide en décembre ; sa maîtresse commence à s’affoler, le maître crie « au secours » tout en courant vers l’éclusier ; alors qu’il y est presque, elle le rappelle : elle a réussi à sortir son chien…

Allée Arlette Gruss, puis allée d’Artagnan, bordée de bancs, le long d’un mur de contre-garde.

Afin d’amortir le choc des boulets de canon, les fortifications sont principalement constituées de terre tassée, recouverte d’un appareillage de moellons de calcaire puis d’un parement de briques et de grès. Disposé en bas du mur au contact de l’eau, le grès, imperméable et non gélif, assure la bonne conservation de l’ouvrage.

A l’entrée de la rue du 43e R.I. se trouve l’avant-poste,  première porte avec autrefois pont-levis à crémaillère permettant d’entrer dans le cœur de la citadelle, aujourd’hui Quartier Général du Corps de Réaction Rapide-France (QG CRR-FR).

Petit écart pour voir le monument Boufflers, installé sur le lieu de l’attaque, entre les bastions d’Anjou-du Roi et la Demi-Lune Royale1. Réalisé au début du XXe siècle par l’architecte lillois Emile Dubuisson, il commémore le siège de Lille entamé le 13 août 1708 par les soldats anglais, hollandais et autrichiens en pleine guerre de succession d’Espagne.

Le Maréchal Boufflers est contraint d’abandonner la place le 11 décembre, après 41 jours de siège. Pendant 5 ans, Lille va vivre sous occupation hollandaise. Elle est rendue à la France quand la paix est signée à Utrecht le

Je rejoins la voie des combattants qui passe sous le pont dormant qui remplace le pont-levis de la Tenaille au-dessus du canal ; là je peux voir la porte Royale, autrefois fermée par un pont-levis à crémaillère. C’est le principal accès de la Citadelle ; il fallait cinq ponts successifs pour arriver à celle-ci. Elle s’orne d’une inscription à la gloire du roi, elle-même surmontée par une décoration faite de trophées à l’antique, de fleurs de lys et du cordon du Saint-Esprit. Lors de sa restauration en 1980, des alignements de chênes rouges ont été plantés sur le haut des talus pour rappeler les anciens alignements.

Dans le canal, un arbre couvert de champignons, une roselière et de l’autre côté, entre le bastion du Roy et sa contre-garde, un échassier, cou tendu, parfaitement immobile a été posé là. Je m’approche et, ô surprise, c’est un vrai qui bouge à peine à mon approche alors qu’il a une excellente vue latérale, ce héron cendré.

Demi-lune Saint-Sébastien (1670) et œuvre d’art supposée dans l’herbe (pas de photo). Le monument Léon Trulin, constitué de lettres en fer martelé au nom de Trulin, a été inauguré en novembre 1931.

Réquisitionnée par les Allemands durant la Première Guerre mondiale, la citadelle est le théâtre de drames terribles comme l’exécution par les armes du Lillois Léon Trulin, jeune figure d’un réseau de renseignement, dans les fossés de la citadelle, le 8 novembre 1915. Il avait 18 ans.

Demi-lune avec la porte Dauphine, la plus exposée, qui est rehaussée au fronton d’une célébration du Roi-Soleil, des arts et de la guerre.

Je quitte le centre de la demi-lune par une rue pavée passant par l’avant-porte où une palissade de bois a été reconstituée. Pas moins de 28 000 pieux étaient disposés pour protéger les parapets des ouvrages.

Je me trouve maintenant derrière une autre ligne de canaux qui épouse la forme pentagonale de la citadelle, dans l’allée du train de Loos.

Seuls des embarcations, ponts de bois, ou passerelles légères permettaient de circuler entre les différents ouvrages. Les ponts étaient en bois, afin d’être plus facilement détruits lors des invasions ennemies. Les fossés étaient que très rarement à secs et dont les niveaux étaient gérés par un jeu compliqué de vannes et de batardeaux. Lille et ses canaux

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Le circuit du genièvre

Pourquoi ce nom de ‘circuit du genièvre’ ? peut-être parce qu’il passe devant la distillerie Claeyssens  (1 rue de la distillerie) qui, depuis 1817, fabrique un alcool de genièvre reconnu. Toujours en activité, les méthodes n’ont pas changé depuis. Classé au titre des monuments historiques, le bâtiment se visite. Durant mon enfance, le genièvre fabriqué ici était tellement connu que mon père proposait aux invités un « Wambrechies » et non un genièvre. A cette production, s’ajoute la bière au genièvre.
N’ayant pas de véhicule quand je suis dans le nord, j’ai choisi une randonnée accessible avec les transports en commun : Wambrechies est accessible avec un seul bus et 45mn de transport.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Le bus m’arrête place de la mairie. L’église saint-Vaast d’un côté de la place, l’hôtel de ville et son beffroi de l’autre, tous deux construits par le vicomte Obert de Quévy, en 1859.
L’architecte Charles Maillard conçoit l’hôtel de ville dans le style « Renaissance flamande ». Sa façade en « pas de moineau » (pignon à gradins) ornée de briques de couleur est surmontée d’un fronton,  décoré des armes du vicomte et…  de Napoléon III. Éclairée par des lustres du style Directoire, la salle des mariages est meublée de tables et de sièges d’époque, ornée d’une grande cheminée, elle-même surmontée d’une grande glace et des armes du vicomte.

L’accès des pièces à l’étage se fait par une tour circulaire surmontée d’un beffroi qui culmine à 27 m et en haut duquel trône une rose des vents. Dans celui-ci, on pouvait distinguer un pigeonnier et un chemin de ronde pour observer les environs, détecter les incendies et faire sonner le tocsin à l’aide d’une cloche qui, comme celles de l’église, sera démontée et fondue lors de la Première Guerre Mondiale. Selon le site de la commune

L’église Saint-Vaast – qu’est-ce qu’elle est imposante pour une commune de 10 000 habitants ! – de style néogothique, est longue de 55 mètres, large de 22 mètres. L’architecture de l’église est confiée à Charles Leroy (architecte de Notre Dame de la Treille à Lille), qui décide de faire une tour, surmontée d’une flèche qui culmine à 72 mètres.  Pendant la Seconde Guerre mondiale, la flèche a disparu :  le clocher était dans l’axe des pistes  de l’aérodrome de Bondues et empêchait les décollages en escadrille de l’armée occupante qui démonta 44 des 48 points d’ancrage.

Direction le Chateau Robersart, une résidence secondaire un peu comme les bastides en Provence, construite à l’écart des villes. Ici, à l’écart de Lille où travaillent les propriétaires.

Sa devise Pro lumine virtus (au nom de la puissance de la lumière). Avant le château de 1760, deux autres se sont écroulés. Construit dans un style Renaissance, il met en valeur des matériaux locaux en alternance : la brique rouge et la pierre blanche de Lezennes.  En 1810 le vicomte Martel Obert de Quévy époux d’Alexandrine Robert de Robersart, en fait l’acquisition. Juliette, Comtesse de Robersart, fut la dernière habitante qui a laissé son nom au bâtiment.

Un pont à deux arches sur le ruisseau mène au musée de la poupée et du jouet ancien, ainsi qu’à la bibliothèque ; la balade est bien agréable dans les jardins : un kiosque, des espaces bien entretenus ou bien des zones favorisant la biodiversité ; certains plans d’eau sont empoissonnés, d’où les rubans rouges et blancs qui ont pour but de faire fuir les oiseaux prédateurs ; oies et canards vivent en bordure d’autres plans d’eau ; plusieurs portails métalliques s’ouvrent sur l’extérieur avec un rappel sur le ‘port du masque obligatoire’. Je sors à l’extrémité du parc pour rejoindre le chemin de halage le long du canal de la Deûle.

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Visions de la côte d’Opale : l’estuaire, le cimetière militaire d’Etaples et Camiers

Pourquoi tout le monde veut faire une promenade en mer sur la baie de la Canche alors qu’il ne fait pas très beau ? c’est pour voir des phoques bien sûr ! Les phoques qui sont dans l’eau, souvent à très peu de distance du rivage, ne viennent que très rarement se mettre au sec. phoque (photo F. Caloin)On ne voit au loin que leur tête sombre au ras de l’eau, grande comme une tête d’épingle : c’est un peu décevant mais on y croit ! Quand on consulte le site qui concerne l’observation des phoques et cétacés de la côte d’Opale, on se rend bien compte que les veaux marins se comptent sur les doigts d’une main en baie de Canche et que l’on y récupère de temps en temps des cadavres, comme début avril 2013.


Même s’il est superbement entretenu en jardin fleuri, le cimetière militaire donne froid dans le dos. Qui a écouté les histoires de guerre vécues par ses grands-parents ou ses parents, ne peut être insensible.

Cela me rappelle une anecdote qui s’est passée sur le lieu du charnier de Signe (83) ; un autel, une vaste plaque de marbre gravée pour chaque résistant mitraillé par les Allemands durant la seconde guerre mondiale. Un père de famille y vient avec ses deux enfants : le plus jeune passe sous l’autel en marchant sur le coffret renfermant les ossements des fusillés – coffret déposé là à la demande de Gaston Defferre, alors maire de Marseille – tandis qu’une adolescente fait part de son étonnement à son père qui lui explique l’évènement : « ah bon ? y’a eu la guerre dans notre pays ? ». Pour moi qui était enseignante il n’y a pas si longtemps, je pense que l’éducation nationale n’a peut-être pas suffisamment joué son rôle… Nos enfants ne connaissent-ils pas mieux l’histoire des romains que celle de leurs plus proches ancêtres ?
A lire dans randomania : du charnier de Signes à la grotte du vieux Mounoï

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