** L’abbaye Saint-Roman de l’Aiguille, entièrement construite dans la pierre

[Photo à la Une : crypte souterraine]

2e visite le 3 avril 2025

Visite guidée avec l’association Les Amis de Jouques soit presque 20 ans après ma première découverte grâce au jeu de geocaching, jeu venu des Etats-Unis mais pratiqué dans le monde entier. Pour ne pas me répéter, je vais me concentrer sur les fouilles récentes qui ont eu lieu après 2006 et sur le sous-titrage de la vidéo des lieux effectuée par notre guide.

Notre guide Cédric Durand, gestionnaire du site pour la communauté de communes Beaucaire Terre d’Argence, nous attend devant l’entrée de l’abbaye que nous atteignons après 15 mn de marche. Un escalier en colimaçon provisoire mène à la grande salle ; c’est là que je m’arrête suite à une douleur fulgurante dans le genou : plus possible de reposer le pied au sol. Pendant quelque temps, je profite des commentaires du guide dans la grande salle.

Dans le martyrologe1 de Chastelain en 1827, Saint-Roma(i)n de Joux né vers 460, honoré en France, est précédé de la lettre « R », c’est à dire officiellement inscrit dans la liste des saints. Depuis cette époque plusieurs révisions ont eu lieu. En 2004 le Martyrologium Romanum, écrit en latin, le cite à la date du 28 février.
Ce n’est pas le cas de Sainte-Venture, la sainte honorée pendant des siècles sur la montagne Sainte-Victoire. Elle a probablement disparu de la liste des saints locaux quand le pape Grégoire XIII a demandé une compilation des sources en 1583 et la rectification des erreurs.

Lieu vraiment curieux, successivement lieu monastique, prieuré de Psalmodi, place forte, établissement d’enseignement, château devenu bien national vendu à la révolution, carrière de pierres (rabaissant le niveau de la chapelle souterraine de 2m), classé Monument Historique en 1990.

Présentation de l’Abbaye (page suivante, cliquer sur Regarder sur YouTube)
(Vidéo protégée qui ne peut être intégrée directement dans le blog ; elle correspond au flashcode figurant sur le dépliant que nous a remis notre guide. Dommage qu’il n’y ait pas un fond musical…)

De la forteresse avec ses murs crénelés, ses tours rondes, son donjon, sa herse, ses fossés, ses salles taillées dans la pierre, il ne reste que les fondations. Les religieux de Psalmodi ont cédé le château en 1538 à un gentilhomme d’Aigues-Mortes qui n’appréciait guère la garnison installée sur les lieux. Après plusieurs changements de propriétaire, le château est abattu et les pierres vendues. De l’époque du château, il nous reste une illustration d’Antoine Meunier (°1765-+1808) datant de 1794 ou 1795 ; il est connu pour ses représentations réalistes de monuments divers.

Lors des fouilles de 2019-2020, des dizaines de tombes en escalier ont été retrouvées : elles ont été détruites par la retaille du rocher ; les défunts sont des moines, des laïcs, des villageois (hommes, femmes, enfants). L’étude des squelettes a permis de dater l’activité funéraire entre les XIe et XIIIe.

En 2018, un relevé 3D du site a été effectué, avec l’aide du Groupe de Recherche et d’Intervention en Milieu Périlleux (GRIMP) en ce qui concerne la citerne de 140m3 (8 m de profondeur) creusée au XIVe. Les fouilles de 2019-2020 ont permis d’étudier les époques de construction de la chapelle et les sépultures de la terrasse. De là haut, spectaculaire vue sur la vallée du Rhône ; parfois on voit même le Ventoux !

[dossier] Sous terre : Exploiter, vivre et prier, Collectif, L’archéologue, Archéologie nouvelle, n°173, printemps 2025, ed. Marion Charlet avec un article sur l’ abbaye rupestre de Beaucaire par Jean-Luc Piat.

La Vie : interview de Cédric Durand, 19/03/2023

Facebook de l’abbaye Saint-Roman

La passion de notre guide l’a entraîné au delà de l’horaire convenu… Il a accepté de me déposer en voiture jusqu’au parking. A la fin de la visite, il prend le temps de faire le tour du rocher : c’est là qu’était le fossé qui ceinturait le site ; on voit bien que la muraille a été retaillée, que les fortifications ont coupé en deux des salles troglodytiques et qu’il y a le chevet d’une seconde église là haut. Pendant le trajet jusqu’à ma voiture, il a même résumé les points clés de la visite que je n’ai pu effectuer. Je l’en remercie.

Pour appréhender ce monument qui a subi tant de modifications, un guide ou un document plus complet qu’un dépliant me semble souhaitable.

1martyrologe romain : liste officielle des saints de l’église catholique

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Un tour chez les Gallo-romains au Mas des Tourelles

[image à la Une : J.-R. Ferlay, de l’association Les Amis de Jouques]

Une sortie organisée par l’association Les Amis de Jouques à Ugernum (Beaucaire) de l’autre côté du Rhône : nous ne sommes plus en Provence mais en Occitanie ; bien qu’ayant mal au genou depuis quelques jours, je ne veux pas la manquer. Majo et moi sommes arrivées les premières sur place au Mas des Tourelles1 et découvrons la boutique dont un vin romain qui nous laisse dubitatives. On ne sait pas encore qu’on aura droit de le goûter…

Le maître des lieux : Hervé Durand (°4 juillet 1944 à Alger) professeur d’oenologie en Argentine, créateur du vignoble de l’Orpailleur au Québec au début des années 1980, fait ici de l’archéologie expérimentale : produire du vin selon les recettes et techniques des Romains (revue du Vin de France). Une équipe d’archéologues fouillent le site depuis 2019. Henry Durand, son grand-père, s’est marié le 8 octobre 1903, à Yvonne de Fesquet (AD 34, 3 E 177/516 Mariages 1903 – Image 233 sur 331) d’une grande famille montpelliéraine dont la généalogie ascendante, étudiée par quelques érudits, mène par alliance à Isidore de Forton (x Zélia Durand), fils du marquis Jean-Antoine de Forton, propriétaire du Mas des Tourelles en 1818.

Le père du propriétaire, Elie, reprend l’exploitation des terres à Beaucaire. Hervé et ses fils continuent leur travail en y ajoutant une touche archéologique et patrimoniale pour le plus grand plaisir des curieux.

Premier tour d’horizon du site avec une guide qui connait les lieux depuis 10 ans. Dans une salle de musée, autour de nous, des dizaines d’objets trouvés lors des fouilles : des récipients de toutes tailles car un atelier de fabrication d’amphores a été trouvé, idéal pour le transport du vin.

Fièrement, notre guide fait circuler une anse d’amphore gravée trouvée en 2020 portant le nom du propriétaire romain Titus Marsalis, probablement de Nîmes.
France3-régions : fouilles archéologiques dans le Gard, reportage du 5 août 2020


Le site produit des amphores Gauloise I (G.1) et Gauloises IV (G.4) jusqu’au IIIs. afin de diffuser régionalement le vin du Beaucairois par voie terrestre et à longue distance par voie fluvio-maritime. ASM Mas des Tourelles. Sur le col ou la panse une incription peinte à l’encre précise la nature du contenu. Ces modèles d’amphores retrouvés dans un dépotoir, ont des propriétés caractéristiques : la 1 possède une lèvre de section triangulaire ; attaches plates avec deux sillons ; la 4 a un col haut et une lèvre en bourrelet, parfois souligné par un sillon ; beaucoup ont été retrouvées à Arles lors des fouilles de l’épave Arles-Rhône 3. Etude préliminaire des amphores gauloises des fouilles de l’épave Arles-Rhône 3 (Arles, B.-du-Rh.), Fabrice Bigot, David Djaoui, Revue archéologique de la Narbonnaise, 2013, 46 [ndlr : Fabrice Bigot est le directeur de fouilles du Mas des Tourelles]

L’intérieur des amphores est imperméabilisé par un enduit de poix et fermé par un bouchon de liège. Le vin gaulois voyage jusqu’aux ports de Méditerranée et même jusqu’en Inde, par voie de mer sur de grands bâteaux comme celui trouvé à Arles (Lire Barge romaine Arles-Rhône 3) ou voie de terre, par la via Domitia reliant l’Espagne à l’Italie et passant par Beaucaire. On le sait grâce aux amphores retrouvées sur le lieu de livraison – elles n’étaient pas réutilisées – identifiées par leurs caractéristiques qui ont la même fonction que la forme des bouteilles ou les étiquettes d’aujourd’hui. Il existe un vaste réseau de distribution organisé, du négociant en vins qui se fournit chez le producteur aux petits débiteurs de boissons, comme de nos jours…

Dans la cour une vieille et imposante glycine sert de décor pour les murs de la ferme ; à droite le pigeonnier désormais relié au bâtiment d’époque par une nouvelle construction.

Nous entrons dans une salle d’exposition contenant des jeux antiques : je reconnais les osselets constitués des petits os du pied de mouton avec lesquels je jouais dans la cour de récré. Un exercice d’arithmétique affiché au mur m’a rappelé un problème souvent proposé au cours moyen ou au certificat d’études. Qui a la réponse sans faire appel à ChatGPT ou sa calculatrice ?…

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De la Danchère aux Escallons par les Gauchoirs

Dans l’attente du départ pour Venosc et le site d’envol des parapentes, j’ai parcouru cette petite boucle qui part du hameau de La Danchère (commune de Venosc), en traverse deux autres Les Gauchoirs (commune de Bourg-d’Oisans) et Les Escallons (commune de Venosc) : bonne mise en jambe pour un séjour qui commence en montagne.

Le départ est le même que celui du lac Lauvitel jusqu’à la passerelle, avec un seul garde-fou, sur le fougueux ruisseau du Lauvitel que suit le sentier marqué sur les côtés par de grosses pierres du pays. Il circule totalement en sous-bois : que c’est agréable !

Le sentier passe soudainement de la forêt au hameau. Le drôle de nom Les Gauchoirs s’explique par une ancienne activité locale en Oisans : le travail du chanvre avec les battoirs à chanvre (les gauchoirs) et les moulins à foulon.

En 1729, […] il y a une manufacture de toiles de chanvre, qui occupe 22 fileuses, 10 tisserands, vend dans tout le Dauphiné ; […] Mais aux environs du Bourg se trouvent nombre de foulons, notamment trois aux Gauchoirs, qui méritent encore leur nom. Association Freneytique

Le Dauphiné libéré du 03/07/2022 nous apprend que la Maison Cholat, à Morestel, a décidé de recréer une filière chanvre. Avec 41 agriculteurs, elle a relancé 200 hectares de culture en mai. Et va construire une usine pour exploiter le chanvre [ndlr : sans effet psychotrope…] sur place.

Le hameau est vite traversé ; je retrouve un panneau d’interdiction de circuler pour les  non riverains depuis la catastrophe naturelle de juin dans la vallée du Vénéon. Le GR50 rejoint les Escallons par un sentier raide qui coupe les virages de la route ; un cycliste m’apostrophe au passage parce que je consulte mon téléphone ; ce qu’il n’a pas envisagé c’est que je suis ce parcours improvisé sur la carte IGN… Entre les maisons, un petit escalier (esccallon = petit escalier) rejoint le chemin de la Danchère.

Il vaut mieux prendre en montée ce sentier rocheux encadré de hauts arbres soutenu par des murs de soutènement typiques de la région. Deux chevaux noirs s’abreuvent dans un pré puis c’est l’arrivée à la Danchère près de la chapelle.

Je n’ai pratiquement rien trouvé sur la chapelle sinon  qu’elle est ancienne (signalée en 1665 par Monseigneur de Saint Julin) mais joliment restauré entretenu ; en 1678 la chapelle est attribuée à Saint-Claude puis en 1683/1686 à Saint-Claude et Saint-Louis.

Image de l’itinéraire 2km900, 178m dénivelée (+171, -171), 1h10