Découverte de la forêt de Loches

L‘ancienne forêt royale de Loches, du département d’Indre-et-Loire, est située sur huit communes dont celle de Génillé où je vais passer quelques jours. La première chose qui me surprend, ce sont des pyramides, classées monuments historiques élevées afin de servir de points de rassemblement pour la chasse à courre, toujours pratiquée ici.
Selon Mémoire des Equipages, au xviiie il n’y avait qu’un équipage de chasse à courre en Indre et Loire, au xixe, 26.

Equipage de Montpoupon (memoiredesequipages.fr)

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Les quatre pyramides

Sur la première carte de la forêt de Loches, établie vers 1650, seuls deux carrefours sont repérés par une croix : la croix neuve et la croix de l’Image ; pas encore de route royale (Georges d’Amboise, 1769), pas de nom aux chemins qui n’ont pas la rectitude  d’aujourd’hui. La forêt est partagée en cinq parties, les gardes (de bataille, de Mignon, de Poussechat, de  Mareschal, de Migeon), auxquelles est affecté du personnel pour la gestion et la surveillance des forêts : on  retrouve aux carrefours les noms de ces nouveaux métiers des Eaux et Forêts : grand maître (le plus haut grade, créé en 1689), conservateur, inspecteur, garde, garde général.
Les quatre pyramides ont été construites dans les années 1770, juste après la route royale ; d’autres forêts à la même époque en ont construit : Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loire), Sénart (91) à la demande du roi pour servir de point de ralliement des équipages de chasse à courre. La première ordonnance sur les Eaux et Forêts date de Colbert en 1669. Elle oblige à construire un grand chemin royal d’au moins 72 pieds de largeur pour les coches, carrosses, messagers et rouliers.

Article VI. ORDONNONS que dans les angles, ou coins des places croisées triviaires & biviaires qui se rencontrent és grandes routes & chemins royaux des forests, nos Officiers des Maistrises feront incessamment planter des croix, poteaux ou pyramides à nos frais, […] avec inscriptions & marques apparentes du lieu où chacun conduit, […] 

Les pyramides de la forêt de Loches, toutes légèrement différentes, suivent-elles à ces préconisations du XVIIe ?

  1. La pyramide de Saint-Quentin mène à Saint-Quentin sur Indrois par la D31  et Loches ;
  2. La pyramide de  Genillé mène à Genillé par la D764 ; elle est surmontée d’une sphère portant une girouette. Au carrefour, la maison forestière de Beauchêne.
  3. La pyramide des Chartreux mène à la chartreuse de Liget par la D760 ; la seule dont la base est pentagonale car cinq grandes voies se rejoignent au carrefour. Maison forestière de la Plotterie. En 2015, le département aménage le carrefour avec du béton désactivé ; en 2018, l’architecte des bâtiments de France fait enlever la bordure. Capital, 27/08/2019
  4. La pyramide de Montaigu mène au hameau de Montaigu à Genillé, maison forte et ancien fief ; elle ne figure pas sur la carte d’état-major de 1866 : peut-être parce qu’elle se trouve exactement au point d’intersection de quatre sections de la carte. Pyramide élancée terminée par une sphère. Longtemps entretenue par les forestiers, cette pyramide était autrefois entourée de rosiers sauvages. La maison forestière a été rasée à la fin des années 1970.

Trois d’entre elles sont entourées d’un étroit fossé d’eau, de la glace aujourd’hui ; sans doute pour éviter leur détérioration car l’ordonnance de 1669 précise les sanctions si destruction : … sans qu’il soit permis à aucunes personnes de rompre, emporter, lacérer ou biffer telles croix, poteaux, inscriptions & marques, à peine de trois cens livres d’amende, & de punition exemplaire.
Dans ces fossés vivraient des tritons marbrés. Selon passion sennevieres. Comme tous les tritons de France, il partage l’année en une phase aquatique pour la reproduction, et une phase terrestre durant la mauvaise saison. Ce grand triton a bien peu de place dans ce fossé !

La construction des pyramides est à la charge du pouvoir royal pour les parcelles non privées ; (plus) aucune inscription de direction dans le rectangle de chaque face : soit elles ont disparu avec le temps, soit elles ont été effacées à la Révolution parce que symboles du pouvoir royal. Le roi ne venant plus à Loches depuis François 1er, je ne pense pas que ce soit lui qui ait ordonné la construction des pyramides pour la chasse à courre comme l’indiquent la plupart des sites internet, mais plutôt le grand maître des eaux et forêts Jean-Baptiste Cabanel d’Anglure dont c’était le rôle. Ce qui n’empêche pas qu’elles puissent servir de point de ralliement pour les chasseurs à courre et de repères pour les voyageurs ou randonneurs. Un grand repère visible de loin, digne des rois et de la noblesse, rien à voir avec les modestes cairns de nos sentiers balisés qui ont pourtant la même fonction.

En novembre dernier, pendant une chasse à courre de l’équipage “Vénerie du Berry” en forêt de Loches (37), un cerf pourchassé a heurté une voiture. Source : La Nouvelle République

Etang du Pas-aux-Anes

Ma fille m’emmène faire le tour de l’étang du Pas-Aux-Anes, sur la commune de Sennevières. ll faisait partie intégrante de l’ancien domaine des chartreux récupéré comme bien national durant la Révolution. Quelques degrés sous zéro ; les bords de l’étang sont gelés. Malgré tout, nous croisons quelques habitués. A côté de l’étang se trouve le kiosque construit au XIXe siècle, en rondins de chêne provenant de la forêt de Loches. La couverture du toit est faite de brandes (bruyères à balais), couverture traditionnelle des hangars de la campagne tourangelle. Il sert de point de rendez-vous pour les différentes randonnées ou activités de rando croquis dans la forêt.

Il est possible d’y observer de belles populations de joncs de marécages, […] plusieurs espèces protégées […], on retrouve les espèces de poissons d’étang les plus communes : carpes, brochets, gardons, perches, tanches, goujons… passion-senevières

Des gués improvisés permettent de se mouiller un peu moins les pieds ; en hiver, mieux vaut être équipé de chaussures de rando ou de bottes !
Une jolie légende s’y rattache, celles des jeunes mariés contrariés :

A la mort de sa femme, le cruel baron de Sennevières jeta son dévolu sur une jeune et jolie jeune fille du village, Perrine. Or, celle-ci était éprise de Pierre. Elle préféra se jeter dans les eaux glacées de l’étang plutôt que d’épouser le baron. Déchiré par la douleur, Pierre devint moine à la Chartreuse du Liget. Un soir de Noël, alors qu’il priait en souvenir de sa bien-aimée près de l’étang, Pierre vit la silhouette brumeuse de Perrine flottant au-dessus de l’eau. Elle lui dit qu’elle apparaitrait chaque nuit de Noël au même endroit ; il honora ce rendez-vous annuel, jusqu’à sa mort.

La chapelle Saint-Jean de Liget

A partir de l’étang on peut prolonger la balade jusqu’à la chapelle Saint-Jean du Liget rattachée à la chartreuse de Liget, appartenant autrefois aux comtes d’Anjou. Mais après la neige qui inonde les sentiers, il est bien difficile d’éviter la boue : nous irons donc en voiture.
C’est une petite merveille de pierre blanche au milieu d’un écran de verdure, sans doute du XIIe. L’État la restaure dans les années 1860. Elle est la propriété de la commune de Sennevières depuis 2007. Son plan initial est assez peu courant : une rotonde précédée d’une nef, comme l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. La toiture conique est supportée par une corniche décorée de 45 modillons1 (avec des figures pas très accueillantes) et 45 métopes2 tous différents, dans un style assez naïf.
Les parois intérieures de la rotonde de cette chapelle étaient couvertes de fresques polychromes romanes.
Pour la visiter librement, il faut réserver et prendre les clefs à l’Office de tourisme de Loches (gratuit).

Image de l’itinéraire tour de l’étang (2km) et variante vers la chapelle (+2.700km), 13m dénivelée ; 2h environ


1modillon : élément d’architecture sculpté qui sert à soutenir une corniche
2métope : panneau architectural de forme rectangulaire, le plus souvent décoré de reliefs.

©copyright randomania.fr


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