** Tour des Bauges J4 : Aillon le Jeune – les Déserts

 Quatrième journée de notre circuit du tour des Bauges organisé par Grand Angle avec son partenaire Terre d’Altitude. La journée la plus difficile mais la plus intéressante de ce séjour de randonnée en liberté. Pascal l’a surnommée fort à propos ‘karstique puis panoramique’.

La météo du jour Les Déserts
avec le vent, à 3 jours

Partie de la station d’Aillon, il me faut rejoindre le village. Je passe devant la chapelle de la Correrie puis emprunte la liaison piétonne longeant la route sur la droite et qui m’y amène sans danger. Je retrouve le traditionnel lavoir de village à Aillon le Jeune.

A la sortie du village, après Rocquerand, je m’élève par un chemin entre prairies et forêt sur le GR 96. On dirait qu’une tornade est passée sur la hêtraie  : de nombreux arbres sont déracinés. Des colonies de champignons parasitent les troncs. La forêt de Margeriaz est de plus en plus humide : l’eau a certainement quelques surprises à me réserver… Sur la place à Baban (1330m) qui précède de quelques centaines de mètres le stade de neige, démarrent plusieurs sentiers de randonnée : je vais emprunter un sentier sur le thème des tannes1 et glacières avec six haltes numérotées repérées par ♥ dans mon texte (9 haltes pour le parcours complet,  à partir de la place à Baban : 4h30) dont je n’aurai l’explication qu’au retour. Pascal, le guide, ne m’a pas dit qu’il existait un petit livret d’accompagnement – que je vous recommande pour ce circuit découverte, vendu juste en face de son bureau à l’office du tourisme…

Le sentier du tour des Bauges se suit assez facilement au départ sur des dalles rocheuses ; (♥1) une première tanne numérotée 170 était autrefois complètement enfouie dans l’épaisseur de la roche : un torrent souterrain s’écoulait dans une galerie étroite. L’érosion a progressivement abaissé la surface du sol au point de décapiter le plafond de la galerie dont il ne reste que la tranchée au pied de la borne-repère.

(♥3) Une petite doline en chaudron aux parois bien verticales semble taillée à l’emporte-pièce. En hiver, un culot de neige remplit le trou puis attaque les parois lors de sa fonte progressive ; en remontant le vallon, le sentier se resserre entre les parois rocheuses de plus en plus hautes. Le karst montagnard « en ruine »  est composé d’un ancien réseau karstique largement trépané par l’érosion : le plafond a disparu. Sur presque 300m j’ai perdu la trace du GR dans cette (♥2) ruelle du karst : j’aurais mieux fait de faire demi-tour car pour retrouver le GR il m’a fallu vivre quelques galères à risque…

Les tannes, parfois dissimulées par la végétation, sont des gouffres dont les plus profonds peuvent atteindre 90 mètres de profondeur. Les eaux pluviales et de fonte des neiges s’infiltrent par ces tannes et contribuent au travail érosif.

Quatre grandes dolines se rejoignent pour créer une vaste dépression dénommée (♥4) le Grand Rafou. L’eau coule quelques mètres sur la dalle puis cascade dans une première doline perchée sur le flanc du grand Rafou. Extrait de Tannes et glacières du Margeriaz, parc naturel régional du massif des Bauges, parc naturel régional du massif des Bauges, juillet 2012

Le parc régional des Bauges

Au delà de la tanne du Rafou, la dalle calcaire montre des fossiles de mollusques datant de l’époque où la mer se trouvait à l’emplacement des Alpes. Le sentier quitte la forêt et gagne le karst supraforestier. Au panneau « Sur le Grand Rafou », le guide conseille de gagner la crête à vue sans se soucier du chemin ; c’est ce que j’ai fait dans un premier temps ; mais quand j’ai vu les nombreux pièges, trous plus ou moins profonds parfois invisibles sous l’herbe, j’ai vite abandonné et j’ai suivi sagement le chemin de droite jusqu’à la crête.

En effet la pente est couverte de lapiaz en banquette et (♥5) lapiaz à crêtes aiguisées, évoluant à découvert, se différenciant du lapiaz à crêtes émoussées formé sous couverture forestière. Les arêtes orientées S.E./N.O. révèlent la fracturation de la dalle calcaire au cours du plissement alpin. ce sont de véritables pièges. Les formes des dolines ont également changé : ce sont de vastes dolines ou ouvalas. Selon Cayla Nathalie de l’université de Savoie

La surface calcaire des lapiaz est travaillée plus ou moins profondément par les processus de dissolution liée au ruissellement : crevasses, rigoles, trous,… Imaginez les travaux qui ont dû être faits pour transformer le stade de neige en terrain praticable : minage, terrassement et concassage ont fait disparaître les irrégularités de surface, les dolines et les gouffres sur le tracé des pistes. C’est au niveau du puits d’entrée de la Tanne aux cochons que se fait le prélèvement de l’alimentation en eau du stade de neige.

Sur la gauche, j’ai suivi le sentier de crête qui n’est pas matérialisé sur la carte IGN mais ne présente aucune difficulté sur le terrain. Il sinue à quelques mètres du précipice. Si, si, ça valait le coup de faire un détour même si je n’ai pas vu de chamois. La falaise du Margeriaz est impressionnante de hauteur et de formes. De vastes vires marneuses couvertes d’herbe et inclinées affleurent sous le (♥6) crêt du Margereriaz de calcaire urgonien (urgonien = de Orgon, commune des Bouches-du-Rhône). Les points de vue sur les montagnes environnantes laissent vraiment l’impression qu’on est tout petit.

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Tour des monts d’Aubrac J3 : de la Chaldette à Termes

J3 : de notre randonnée en liberté dans l’Aubrac. De la Chaldette à Fournels, ce sera en taxi pour ménager mon compagnon de route qui a eu un malaise lors de la première journée, Saint-Urcize-La Chaldette. Nous avons donc raté le rocher de Cheylaret (ancien volcan), le bois, Chauchailles et Chauchaillettes, Boutan, la ferme de Volpilières, Saint-Juéry, le hameau de Mazel, celui de Courbepeyre. Vous trouverez sûrement sur internet des descriptions de cette partie.

M. Peret, notre chauffeur de taxi, très sympathique, discute volontiers avec nous ; quand il nous parle de son rôle dans le documentaire ‘La dernière saison’, portrait paysan (2008), j’avoue un peu de scepticisme et je vérifierai ; ce rôle d’acteur est tout compte fait compatible avec cet homme qui mène avec facilité plusieurs métiers : celui de chauffeur de taxi, agriculteur, éleveur, chauffeur de car. Il nous dépose sur la place près de l’église romane qui possède un clocher à peigne, comme presque toutes celles que nous rencontrerons en chemin.

Synopsis du film : Seul et sans descendance, Jean vit sur un plateau lunaire du sud de l’Auvergne, entouré de quelques vaches. L’œil toujours vif et rieur malgré la fatigue de ses presque 70 ans, il est confronté au tourment de la succession. Comment partir, quand on reste ? Extrait du film (attendre la fin de la publicité, notre chauffeur de taxi à gauche !).

De Fournels à Termes, ce sera à pied sur le parcours prévu par Grand Angle. Le château de Fournels, en granit sur trois niveaux, agrandi et remanié au 17è et 18è (le château d’origine date de 1338), appartenait récemment encore aux Brion, descendants du baron d’Apcher ; la communauté de communes des Hautes Terres l’a acheté en 2010. Il domine la Bédaule, affluent du Bès ; au sud du château, des potagers en terrasse ; au Nord des espaces boisés et terres agricoles ; une double terrasse au milieu de grands arbres, trois grandes tours, quatre cheminées de la même hauteur parachèvent sa grandeur. Le portail de la cour d’honneur, la transformation des écuries en ferme et la construction des communs dans les cours basses datent du XIXè siècle. Le Château de Fournels et son parc sont classés parmi les sites de caractère historique et pittoresque du département de la Lozère. Inscription MH depuis le 18/05/1961.

Nous quittons le village par le chemin du Moulin qui mène à Prunierette, hameau constitué par une habitation devant laquelle nous prendrons notre pique-nique ; nous entrons rapidement dans une zone de bois et de pâturages. Sur un chardon une feuille morte comme suspendue attire mon regard. Que fait-elle là en cette saison ? alors que je m’approche pour l’enlever de ma prochaine photo, je comprends qu’il s’agit d’un papillon imitant parfaitement une feuille. Ailes découpées, petit œil blanc au dos des ailes, il trompe, ce robert-le-diable qui aime l’ortie, le houblon et l’orme. Il vit au niveau des clairières et des lisières forestières riches en arbustes.

Derrière la haie de chardons, les vaches de la race d’Aubrac ruminent, regardant toutes dans le même sens. Race ancienne, elle s’accommode de maigres pacages si nécessaire ; de couleur blond fumé,  cornes harmonieuses (quand elles en ont !), elle a les plus grands et les plus beaux yeux du monde ! longtemps en régression, la race reconquiert peu à peu les territoires perdus.

A la fin de sa floraison l’épilobe en épi encore appelée laurier de saint-Antoine, produit des graines qui sont dans de la soie, pour mieux voler et coloniser de nouveaux endroits. Un bien joli spectacle pour les yeux.

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Tour des monts d’Aubrac J2 : de Saint-Urcize à la Chaldette

Rando liberté J2 (2è jour, J1 : pas de randonnée) avec André, âgé de 34  (3 puissance 4 années), rencontré la première fois en Auvergne. C’est un sportif de longue date, de fort agréable compagnie qui a toujours une anecdote à raconter tellement il a vécu d’expériences dans tous les coins du monde. C’est l’agence de voyages Grand Angle qui propose les 6 parcours de ce tour des monts d’Aubrac ; elle s’est chargée des réservations hôtelières et du transfert des bagages. Nous n’avons que le sac à dos de la journée à transporter, un concept permettant de voyager librement avec moins de fatigue. Une carte IGN, une boussole, un GPS, une petite trousse à pharmacie, un couteau, de l’eau, un vêtement chaud complètent la panoplie du parfait randonneur. L’hôtel Remise simple mais confortable nous accueille pour la première nuit avec une cuisine régionale copieuse.

L’Aubrac couvre trois départements mais l’essentiel se trouve dans la Lozère. Je ne connais pas du tout cette région ; j’en attends du dépaysement, de la nature, et d’oublier la vie urbaine. Le téléphone ne capte aucun signal. J’ai donc toutes les chances de parvenir à passer de vraies vacances.

Départ de Saint-Urcize dans le Cantal et ses maisons de basalte presque toujours datées du xixè, pour la Chaldette dans la Lozère. Nous suivons le GR de Pays du tour des Monts d’Aubrac, passons devant l’église et son clocher-peigne assez typique de la région. Saint Urcize était au moyen âge une étape du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle par la via Podiensis, reliant Le Puy en Velay à Saint-Jean Pied de Port. C’est sans doute une des raisons qui explique les nombreuses croix de pierre que nous trouverons en chemin.

Le parcours s’effectue d’abord sur la route. Au premier village de Recoules d’Aubrac, nous avons déjà vu quatre croix de pierre. Nous apercevons au loin l’église, autrefois propriété des Templiers. C’est le métier à ferrer (nom local ferradou) qui m’intrigue : espace aménagé servant à ferrer les boeufs, reconnaissable à ses quatre robustes piliers de granit. Après en avoir vu pratiquement un par village, avec leurs accessoires plus ou moins complets, j’ai presque réussi à deviner comment il fonctionnait. mais c’est le livre de Daniel BrugèsVivre la terre : Jean et Marie-Louise, paysans, De Borée, oct. 2006 qui saura le mieux témoigner de la vie à l’ancienne.

Avant la fenaison, les fers sont vérifiés ; lorsqu’ils marchent trop sur le goudron, les boeufs peuvent se mettre à boiter. On fixe donc une semelle métallique sous leurs onglons. « Un boeuf sans fers c’est comme un homme sans chaussures ».
Un joug se trouve à l’avant. Il bloque la tête de l’animal. Jean lui passe les sangles sous le ventre et, à l’aide d’un système de treuil, réussit à le soulever. Il lui plie la patte à ferrer et la dispose sur le support en forme de gouttière. L’ancien fer est retiré. Après un nettoyage de la sole pour ôter les gravillons et la vieille corne, Jean fixe le fer neuf avec les clous [clous spéciaux à tête carrée] plantés en biais.
Avec les tricoises, on coupe la partie qui dépasse du sabot et on recourbe le pinçon du fer sur l’extrémité de l’onglon.

A la sortie du village, nous empruntons un chemin qui traverse la Cabre à gué ; nous préférons marcher dans l’eau plutôt que de sauter sur les grosses pierres grossièrement juxtaposées. Nous retrouvons la route peu avant Recoulettes, petit hameau de quelques maisons qui a également son métier à ferrer ; nous atteignons le buron1 du Bès qui n’est plus un buron mais un restaurant renommé.

Office tourisme Nasbinals, Recoules d’Aubrac

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