La chartreuse de Valbonne

En chemin vers l’Ardèche, je m’arrête dans le Gard pour une petite randonnée à la chartreuse de la Valbonne ; la route tortueuse s’enfonce dans les bois et découvre, à 6 kilomètres du village de Saint Paulet de Caisson, parmi les hautes frondaisons, les vastes bâtiments et les toits colorés de tuile vernissée ; à cause du vent et d’un peu de pluie, je me contente d’une rapide découverte de la forêt domaniale (1400 ha).

La météo à cet endroit
3 jours de prévision avec le vent

La Chartreuse est édifiée au centre d’une cuvette alluviale, bordée de toute part de collines boisées. Pour imaginer mieux ce qu’étaient autrefois nos forêts, il faut aller à la Sainte-Baume ou ici, à la Valbonne, car les moines les ont protégées de la déprédation. On y trouve des espèces d’arbres vivant à l’ombre et la fraîcheur  et pas seulement des espèces méditerranéennes : chênes pubescents, hêtres, houx. Elles n’ont pu s’implanter qu’à la faveur d’un climat plus frais qu’aujourd’hui d’où leur appellation quelquefois de forêt primitive.

P. George, Une étude de forêt méditerranéenne. La forêt de Valbonne (Gard), Les Études rhodaniennes, 1933, vol. 9, n° 2, pp. 141-143

Une étude de forêt méditerranéenne. La forêt de Valbonne

Bien balisé sur la gauche, le sentier longe un vaste enclos entouré d’un mur de pierre sèche puis se dirige dans le sous-bois presque immédiatement. La montée sera rude et continue. Des vignes aux ceps sombres bien alignés me rappellent que l’on prépare ici le vin de Valbonne, Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages, que je n’ai pu déguster (boire ou conduire, il faut choisir). La relative fraîcheur dont bénéficie le vignoble de Valbonne lui confèrerait une finesse aromatique que n’ont pas les autres vins de la même appellation. Une cave du XIIIè sert toujours au vieillissement en fût.

Les chartreux ont planté de la vigne sur les coteaux qui dominent le monastère dès le XIIIè siècle. Abandonné après leur départ en 1901, le vignoble disparaît jusqu’en 1977.

Vers le sud, je rencontre finalement une route forestière plus large où s’amoncellent les coupes de bois enserrées dans un solide cordage. J’entends le bruit des tracteurs qui œuvrent au ramassage, dans une bonne odeur du bois fraîchement coupé.

Deux hêtres se sont collés l’un à l’autre, tout en continuant leur propre vie. Quand la route contourne vers le nord le Sarraier, le paysage change : quelques sols siliceux, quelques blocs calcaires égarés et ensuite, dans le fond du vallon, de très hauts arbres que l’on ne s’attendrait pas à voir ici.

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Cascade de Gournier depuis Alissas

Petit passage à l’office du tourisme de Privas pour choisir une randonnée ; c’est le dernier jour de mon (troisième) séjour en Ardèche chez Ardelyne à Darbres ; comme je ne consacre qu’une journée à Privas et ses environs, l’achat à l’unité de la fiche n°6 est plutôt intéressante. Je me gare sur un grand parking près du premier panneau directionnel Greylas mais vous pourrez stationner sur le parking de la mairie. Le balisage sera jaune-blanc comme tous les PR de la région.

Je traverse un pont cassé dont le tablier s’est affaissé au centre ; les deux morceaux du parapet ne sont plus en face l’un de l’autre mais la commune ayant repris le mur en 2008 a jugé qu’il était suffisamment solide pour que l’on puisse le traverser. Sur la photo, derrière la pierre portant le balisage, vous pouvez voir le dos d’âne causé par cette cassure.

Je passe au dessus de l’ancienne voie de chemin de fer Le Pouzin-Privas ; que deviendra cette ligne de chemin de fer concédée à la société PLM, il y a 150 ans ? d’abord dédiée au transport de marchandises, en 1862 elle s’ouvre aux voyageurs par ajout d’un wagon aux wagons de marchandises, tout simplement ; elle fermera aux voyageurs en 1938, et aux marchandises entre 1989 et 1994 selon les portions de voie ; aujourd’hui, l’Ardèche est le seul département français sans aucune ligne de chemin de fer voyageur… déclassée, elle peut être utilisée autrement : le site de la commune annonce qu’elle sera utilisée pour un réseau fibre optique fournissant du (très) haut débit. L’entreprise TPAM enlèvera les traverses qui supportaient les rails avant de creuser les tranchées pour accueillir fuseaux et câbles du Pouzin à Privas.

Académie de Grenoble, documents pédagogiques pour une recherche sur la ligne Le Pouzin-Privas

Le chemin des chênes (et non la montée des chênes comme indiqué sur la fiche), puis la montée de la Grangette titubent entre les champs avec une féroce raideur ; Pendant presque 4km je monte, monte et monte encore sur la route fraîchement macadamisée et bordée de murs de soutènement en basalte ; là, un pré accueille un troupeau de curieux ovins qui tournent la tête tous dans le même sens : est-ce à cause du vent froid ? pratiquement aucune habitation avant la Grangette dont il faudra franchir le portail accédant au jardin de la propriété privée et au chemin rural qui monte entre les châtaigniers et les murets de pierre.

Que de travail a dû représenter la manipulation de ces grosses pierres du pays ! rien à voir avec ceux de la région PACA, plus petites et plus plates. Juste avant le panneau les Traverses (commune de Rochessauve), je referme soigneusement le portail. La montée est enfin terminée, le point culminant de la rando est presque atteint à 527m !

Les Traverses GC3VYDT par fredcarinelea

Agréable déambulation dans le bois de la colline Chante-Duc ; d’en haut, je reconnais le viaduc d’Alissas qui enjambe le torrent de Combier et les routes ; c’est le plus grand de la ligne Privas-Le Pouzin, avec ses 178 m et ses 12 arches.

Août 1944 : les troupes allemandes stationnées à Privas veulent partir. Un train est chargé de munitions, de matériel, d’objets divers. Le maquis, les 9-10 août, veulent faire sauter les deux arches les plus proches de Privas, mais aucune pile n’est touchée.

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Tour des monts d’Aubrac J2 : de Saint-Urcize à la Chaldette

Rando liberté J2 (2è jour, J1 : pas de randonnée) avec André, âgé de 34  (3 puissance 4 années), rencontré la première fois en Auvergne. C’est un sportif de longue date, de fort agréable compagnie qui a toujours une anecdote à raconter tellement il a vécu d’expériences dans tous les coins du monde. C’est l’agence de voyages Grand Angle qui propose les 6 parcours de ce tour des monts d’Aubrac ; elle s’est chargée des réservations hôtelières et du transfert des bagages. Nous n’avons que le sac à dos de la journée à transporter, un concept permettant de voyager librement avec moins de fatigue. Une carte IGN, une boussole, un GPS, une petite trousse à pharmacie, un couteau, de l’eau, un vêtement chaud complètent la panoplie du parfait randonneur. L’hôtel Remise simple mais confortable nous accueille pour la première nuit avec une cuisine régionale copieuse.

L’Aubrac couvre trois départements mais l’essentiel se trouve dans la Lozère. Je ne connais pas du tout cette région ; j’en attends du dépaysement, de la nature, et d’oublier la vie urbaine. Le téléphone ne capte aucun signal. J’ai donc toutes les chances de parvenir à passer de vraies vacances.

Départ de Saint-Urcize dans le Cantal et ses maisons de basalte presque toujours datées du xixè, pour la Chaldette dans la Lozère. Nous suivons le GR de Pays du tour des Monts d’Aubrac, passons devant l’église et son clocher-peigne assez typique de la région. Saint Urcize était au moyen âge une étape du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle par la via Podiensis, reliant Le Puy en Velay à Saint-Jean Pied de Port. C’est sans doute une des raisons qui explique les nombreuses croix de pierre que nous trouverons en chemin.

Le parcours s’effectue d’abord sur la route. Au premier village de Recoules d’Aubrac, nous avons déjà vu quatre croix de pierre. Nous apercevons au loin l’église, autrefois propriété des Templiers. C’est le métier à ferrer (nom local ferradou) qui m’intrigue : espace aménagé servant à ferrer les boeufs, reconnaissable à ses quatre robustes piliers de granit. Après en avoir vu pratiquement un par village, avec leurs accessoires plus ou moins complets, j’ai presque réussi à deviner comment il fonctionnait. mais c’est le livre de Daniel BrugèsVivre la terre : Jean et Marie-Louise, paysans, De Borée, oct. 2006 qui saura le mieux témoigner de la vie à l’ancienne.

Avant la fenaison, les fers sont vérifiés ; lorsqu’ils marchent trop sur le goudron, les boeufs peuvent se mettre à boiter. On fixe donc une semelle métallique sous leurs onglons. « Un boeuf sans fers c’est comme un homme sans chaussures ».
Un joug se trouve à l’avant. Il bloque la tête de l’animal. Jean lui passe les sangles sous le ventre et, à l’aide d’un système de treuil, réussit à le soulever. Il lui plie la patte à ferrer et la dispose sur le support en forme de gouttière. L’ancien fer est retiré. Après un nettoyage de la sole pour ôter les gravillons et la vieille corne, Jean fixe le fer neuf avec les clous [clous spéciaux à tête carrée] plantés en biais.
Avec les tricoises, on coupe la partie qui dépasse du sabot et on recourbe le pinçon du fer sur l’extrémité de l’onglon.

A la sortie du village, nous empruntons un chemin qui traverse la Cabre à gué ; nous préférons marcher dans l’eau plutôt que de sauter sur les grosses pierres grossièrement juxtaposées. Nous retrouvons la route peu avant Recoulettes, petit hameau de quelques maisons qui a également son métier à ferrer ; nous atteignons le buron1 du Bès qui n’est plus un buron mais un restaurant renommé.

Office tourisme Nasbinals, Recoules d’Aubrac

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