L’aqueduc du Gier en quelques points

Des aqueducs romains, j’en ai vu plusieurs, enfin quelques uns de leurs vestiges : le pont du Gard, la Traconnade (Jouques-Aix-en-Provence ), l’aqueduc d’Arles, la Roche Taillée à Mons (Var), celui de Luynes (Indre et Loire). Je savais que celui du Gier avait quelques particularités que j’avais très envie de découvrir.

En résumé : 86km, environ 30 ponts, 12 tunnels, plus de 1000 regards de visite, à moitié dans la Loire, l’autre moitié dans le Rhône, départ Saint-Chamond, arrivée Lyon (Lugdunum).

J’ai la chance aujourd’hui d’avoir pour guide, Jean-Claude Litaudon, président du groupe archéologique Jarez-Forez (ne pas prononcer le ‘z’ final !) l’un de ceux qui connait le mieux l’aqueduc ; ici, à Saint-Etienne, ils prononcent ‘akduc’ ! Nous ferons sa découverte en plusieurs points du département du Rhône.

*Tableau complet* des vestiges sur le site de l’association Jarez-Forez.

De quand date-t-il ? Hadrien ou Claude ? cela semble encore un vaste débat comme en témoigne l’article la datation de l’aqueduc du Gier par Armand Desbat. Il faut dire que les bornes de protection trouvées (Chagnon, Saint-Joseph) ne prouvent rien : l’une d’elle qui date d’Hadrien (117-138) fait référence à un sénatus-consulte de -11 av. JC…

*Lien vers la carte IGN avec le tracé complet*, tracé proposé au format google earth par l’association Forez-Jarez et converti en gpx.

Captant l’eau du Gier au  lieu-dit Moulin-Combat sur la commune de Saint-Chamond, il parcourt 85km jusqu’à la colline de Fourvière à Lyon. Pourquoi aller la chercher si loin ? sans doute parce que cette source était pérenne et de très bonne qualité puisque contrairement à celui du Gard, les concrétions calcaires ne bouchent pas le canal.

Saint-Maurice sur Dargoire

vallée Bozanson IGNPremier rendez-vous en voiture, à Saint-Maurice sur Dargoire  : la vallée du Bozençon est si large que les Romains ont préféré la contourner plutôt que la traverser. Vous en avez un bon exemple ci-contre. Dans un ancien dictionnaire topographique on remarque diverses orthographes au fil des siècles (Bosanson, Bouczenson, Bouzanson), mais je n’en ai pas retrouvé l’origine toponymique. Dictionnaire topographique du département de la Loire, J.-E. Dufour, Université de Saint-Etienne, 1946

Mesurée sur la carte IGN cette vallée mesure entre 280m et 850m de large : impossible de construire un tel pont surtout qu’il en aurait fallu à plusieurs endroits (longueur Pont du Gard : 274m). Les Romains ont donc contourné plusieurs fois les vallées pour éviter de les traverser.

Mornant

Mornant, pont du Mornantettitle=Pont sur le MornantetPont du Mornantet : un panneau d’information gravé tente de nous éclairer mais mon guide me signalant plusieurs erreurs ou affirmations non vérifiées, je préfère ne pas vous en donner le contenu. Côté ouest, l’appareil réticulé (voir photo ci-dessous) de l’aqueduc du Gier, le seul du monde romain entièrement construit ainsi, est très bien conservé ;  composé de petits moellons de forme pyramidale – des molaires – posés sur un angle, parfois colorés de différentes couleurs, il attire l’attention : les romains voulaient-ils laisser un témoignage de leur grandeur comme avec leurs mosaïques ou leur cénotaphe ?

appareil réticuléPierre taillée pour le réticuléC’est une des caractéristiques remarquables de cet aqueduc pour les parements des parties visibles, avec des arases de brique. La technique a été très employée en Italie durant plusieurs siècles. La partie intérieure des moellons était taillée en biseau pour une meilleure insertion dans le mortier.

Mornant, intérieur du canalLe canal avec son enduit est apparent, la voûte a disparu. A la sortie du pont le conduit s’enterre en direction de la route qui l’a détruit. Nous le retrouvons un peu plus loin, dans une propriété privée dont le chemin d’accès a coupé l’aqueduc, laissant voir l’intérieur du canal.

Regard à fond surbaissé et sa dalle de couverture, MornantRegard, Mornantschéma louve JP Adam ac. CaenA quelques mètres de là, je peux distinguer l’intérieur du regard d’entretien envahi de branchages : des pierres bien taillées en constituent la voûte ; il comporte un fonds surbaissé – sorte de réceptacle à sédiments qui auraient pu boucher les tuyaux de plomb : ils étaient finalement inutiles tant l’eau est pure. Les regards, c’est la spécialité de mon guide… Un petit regarde de 57×57 cm alterne avec un grand 90×90 cm. Sur la dalle de couverture provenant d’un autre regard, le carrier a creusé le trou de louve qui permettait de soulever la pierre.

Soucieu en Jarrest

"le chameau" Soucieu en Jarrest, l'ArchetSoucieu en Jarrest, le spécusUne belle rangée d’arches (79) – au lieu-dit le Barret – mais 4 seulement sont intactes.  A l’une des extrémités, le spécus est bien visible. A l’autre bout, à quoi ressemble celle-là ? me demande mon guide. A un chameau bien sûr, d’où son surnom !

Réservoir de chasse, la Gerle, Soucieu en JarrestNous continuons à suivre l’aqueduc jusqu’au réservoir de chasse de la Gerle, chambre de 4m60 sur 1m55 : c’est la première fois que je vois un vestige de siphon romain, application à très grande échelle du principe des vases communicants ; 10 tuyaux de plomb de 25 cm de diamètre capables de supporter des pressions énormes reposaient sur une partie bâtie, le rampant, pour atteindre le sol, descendre la vallée jusqu’à un pont-siphon avant de remonter de l’autre côté jusqu’au réservoir de fuite ;  le réservoir (propriété privée) montre encore quatre orifices dans lesquels se trouvaient ces tuyaux conduisant au pont-siphon du Garon. De l’autre côté, le réservoir de fuite de la Gagère, un peu plus bas que le réservoir de chasse, récupérait l’eau qui continuait ainsi son parcours dans l’aqueduc. Difficile à reconnaître sous l’abondante végétation. Un œil exercé comme celui de Jean-Claude a repéré le réservoir de chasse de l’autre côté de la vallée.

Une explication pédagogique du siphon

Chaponost

Chaponost bel alignement d'archesLe canal et une amorce de voûteAu lieu-dit Plat-de-l’Air, une longue enfilade de 72 arches tous complètes provoque mon admiration ; trois regards sont visibles sur les arches, et l’enduit subsiste souvent sur l’un des piédroits. Les réticulés sont ici en calcaire blanc. Après un virage vers la droite, et la traversée d’un agréable coin de pique-nique, nous retrouvons le troisième siphon destiné à traverser la vallée du Beaunant.

réservoir de chassedormant du réservoir de chasseRéservoir de chasse, BeaunantAucun tuyau de plomb n’ayant été retrouvé, on ne sait comment ils étaient protégés. En haut du réservoir de chasse très dégradé, apparaît le profil du canal d’arrivée ; sur le large ‘rampant’ incliné, les tuyaux de plomb acheminaient l’eau jusqu’au pont dans la vallée.

Beaunant

Beaunant aval : arche combléeBeaunantréticulé de différentes couleurs, BeaunantDernière étape de notre découverte, Beaunant, chemin de Montray : un appareil réticulé coloré, de très hautes (18m) et lourdes arches dont certaines ont été comblées avec le même appareil, pour empêcher la fragilisation de l’ouvrage. Les doubles arases de brique horizontales servaient à arrêter d’éventuelles lézardes et à se repositionner à l’horizontale au fur et à mesure de l’élévation de la construction ; j’y ajouterais un côté esthétique.

Près de la plupart des vestiges, ont été posés des panneaux d’information ; de nombreux circuits de randonnée y passent ; en voici deux exemples sans avoir besoin de chercher bien longtemps : En vélo depuis Lyon, randonnée commentée par Rhône-Tourisme

L’attrait touristique de cet aqueduc a bien été perçu : c’est une réussite à laquelle participe l’association Jarez-Forez qui joue également un rôle pédagogique en intervenant dans les écoles et en organisant des visites guidées. Si seulement nous arrivions à obtenir une telle mise en valeur pour celui de la Traconnade…

Images des parcours pédestres

 

Je remercie J.C. Litaudon pour la relecture de cette note.

L’aqueduc romain du Gier ou du Pilat, J.-A. Hamm, J.-C. Litaudon, F.R.A.L., LIGER, édition revue et augmentée, 2004. Le guide idéal pour une balade ou une randonnée thématique

A la découverte de l’Aqueduc romain du Gier, Syndicat Intercommunal de l’Aqueduc Romain du Gier



** Tour des Bauges J4 : Aillon le Jeune – les Déserts

 Quatrième journée de notre circuit du tour des Bauges organisé par Grand Angle avec son partenaire Terre d’Altitude. La journée la plus difficile mais la plus intéressante de ce séjour de randonnée en liberté. Pascal l’a surnommée fort à propos ‘karstique puis panoramique’.

La météo du jour Les Déserts
avec le vent, à 3 jours

Partie de la station d’Aillon, il me faut rejoindre le village. Je passe devant la chapelle de la Correrie puis emprunte la liaison piétonne longeant la route sur la droite et qui m’y amène sans danger. Je retrouve le traditionnel lavoir de village à Aillon le Jeune.

A la sortie du village, après Rocquerand, je m’élève par un chemin entre prairies et forêt sur le GR 96. On dirait qu’une tornade est passée sur la hêtraie  : de nombreux arbres sont déracinés. Des colonies de champignons parasitent les troncs. La forêt de Margeriaz est de plus en plus humide : l’eau a certainement quelques surprises à me réserver… Sur la place à Baban (1330m) qui précède de quelques centaines de mètres le stade de neige, démarrent plusieurs sentiers de randonnée : je vais emprunter un sentier sur le thème des tannes1 et glacières avec six haltes numérotées repérées par ♥ dans mon texte (9 haltes pour le parcours complet,  à partir de la place à Baban : 4h30) dont je n’aurai l’explication qu’au retour. Pascal, le guide, ne m’a pas dit qu’il existait un petit livret d’accompagnement – que je vous recommande pour ce circuit découverte, vendu juste en face de son bureau à l’office du tourisme…

Le sentier du tour des Bauges se suit assez facilement au départ sur des dalles rocheuses ; (♥1) une première tanne numérotée 170 était autrefois complètement enfouie dans l’épaisseur de la roche : un torrent souterrain s’écoulait dans une galerie étroite. L’érosion a progressivement abaissé la surface du sol au point de décapiter le plafond de la galerie dont il ne reste que la tranchée au pied de la borne-repère.

(♥3) Une petite doline en chaudron aux parois bien verticales semble taillée à l’emporte-pièce. En hiver, un culot de neige remplit le trou puis attaque les parois lors de sa fonte progressive ; en remontant le vallon, le sentier se resserre entre les parois rocheuses de plus en plus hautes. Le karst montagnard « en ruine »  est composé d’un ancien réseau karstique largement trépané par l’érosion : le plafond a disparu. Sur presque 300m j’ai perdu la trace du GR dans cette (♥2) ruelle du karst : j’aurais mieux fait de faire demi-tour car pour retrouver le GR il m’a fallu vivre quelques galères à risque…

Les tannes, parfois dissimulées par la végétation, sont des gouffres dont les plus profonds peuvent atteindre 90 mètres de profondeur. Les eaux pluviales et de fonte des neiges s’infiltrent par ces tannes et contribuent au travail érosif.

Quatre grandes dolines se rejoignent pour créer une vaste dépression dénommée (♥4) le Grand Rafou. L’eau coule quelques mètres sur la dalle puis cascade dans une première doline perchée sur le flanc du grand Rafou. Extrait de Tannes et glacières du Margeriaz, parc naturel régional du massif des Bauges, parc naturel régional du massif des Bauges, juillet 2012

Le parc régional des Bauges

Au delà de la tanne du Rafou, la dalle calcaire montre des fossiles de mollusques datant de l’époque où la mer se trouvait à l’emplacement des Alpes. Le sentier quitte la forêt et gagne le karst supraforestier. Au panneau « Sur le Grand Rafou », le guide conseille de gagner la crête à vue sans se soucier du chemin ; c’est ce que j’ai fait dans un premier temps ; mais quand j’ai vu les nombreux pièges, trous plus ou moins profonds parfois invisibles sous l’herbe, j’ai vite abandonné et j’ai suivi sagement le chemin de droite jusqu’à la crête.

En effet la pente est couverte de lapiaz en banquette et (♥5) lapiaz à crêtes aiguisées, évoluant à découvert, se différenciant du lapiaz à crêtes émoussées formé sous couverture forestière. Les arêtes orientées S.E./N.O. révèlent la fracturation de la dalle calcaire au cours du plissement alpin. ce sont de véritables pièges. Les formes des dolines ont également changé : ce sont de vastes dolines ou ouvalas. Selon Cayla Nathalie de l’université de Savoie

La surface calcaire des lapiaz est travaillée plus ou moins profondément par les processus de dissolution liée au ruissellement : crevasses, rigoles, trous,… Imaginez les travaux qui ont dû être faits pour transformer le stade de neige en terrain praticable : minage, terrassement et concassage ont fait disparaître les irrégularités de surface, les dolines et les gouffres sur le tracé des pistes. C’est au niveau du puits d’entrée de la Tanne aux cochons que se fait le prélèvement de l’alimentation en eau du stade de neige.

Sur la gauche, j’ai suivi le sentier de crête qui n’est pas matérialisé sur la carte IGN mais ne présente aucune difficulté sur le terrain. Il sinue à quelques mètres du précipice. Si, si, ça valait le coup de faire un détour même si je n’ai pas vu de chamois. La falaise du Margeriaz est impressionnante de hauteur et de formes. De vastes vires marneuses couvertes d’herbe et inclinées affleurent sous le (♥6) crêt du Margereriaz de calcaire urgonien (urgonien = de Orgon, commune des Bouches-du-Rhône). Les points de vue sur les montagnes environnantes laissent vraiment l’impression qu’on est tout petit.

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Rochecolombe

Un village médiéval perché sur un rocher abrupt et sombre. Son apparition au détour d’un virage est déjà en soi une merveille. Je me gare à l’entrée du village d’où part un sentier plus sympathique que la route. Il traverse à gué la rivière, parvient au pont de pierre puis s’élance à l’assaut du piton rocheux. Très vite, on a l’impression d’être au moyen-âge : ruelles étroites et pavées, hautes maisons de pierre, donjon.

L’église Saint-Barthélemy de Rochecolombe constitue l’un des derniers édifices restant du château de Rochecolombe (Ardèche). La partie la plus ancienne de l’église (chapelle du fond et celle droite) date du XIIIè siècle. La chapelle de droite est ornée d’une voûte à arcs-ogive supportés par des colonnettes d’angle à chapiteaux à crochets. Sous cette chapelle se trouve le caveau de la famille de Vogüé recouvert d’une dalle et portant l’inscription : Ici reposent auprès de dix générations de seigneurs de Vogüé, Guillaume de Vogüé, mort en 1602, Balthazar de Vogüé, chevalier de Malte, mort en 1630. La troisième chapelle a été construite au XVIè siècle.

Direction le hameau de Leyris (commune de Lagorce) par des chemins caillouteux, passant par des lieux déserts. Quel constraste quand j’arrive sur le plateau cultivé de lavandes et vignobles ! le hameau de Leyris est visiblement habité et vous y trouverez quelques gites. Après les Molières, j’entre à nouveau dans les bois avec sa végétation caractéristique des terrains calcaires méditerranéens : chênes, genévriers, buis,.. Au carrefour du petit Montagu, quatre directions différentes, preuves que ce plateau entre vallée de l’bie et vallée de l’Auzon, était fort fréquenté pour se rendre d’un village à l’autre. Je vais prendre la voie royale durant un petit moment, celle qui relie Villeneuve de Berg à Lagorce sur ordre des intendants du Languedoc. Mais ce n’est pas la partie la plus caractéristique avec ses épierrements et les ornières creusées par les chariots.

A la fin du siège de Privas (26 mai 1629) Louis XIII avec sa suite et une armée de 15000 hommes […] s’arrête à Villeneuve de Berg. Il […] passe la nuit dans l’hôtel du baron de Laroche des Astards, à Toutes-Aures. Il repart dès le 5 au matin pour Lagorce, Vallon, Barjac, toutes ralliées à la suite de la chute de Privas. Villeneuve de Berg en Vivarais et ses alentours, syndicat d’initiative du canton de Villeneuve de Berg.

Maintenant, nous allons descendre dans la vallée du Vendoule  ; plus je m’approche du village, plus les gorges se resserrent ; une large baume s’ouvre ; la cascade ne coule pas : cela arrive régulièrement en été. La résurgence toute proche est captée pour les besoins en eau du village. L’entrée est située dans un petit bâtiment fermé […] L’eau est extrêmement limpide. Plongée souterraine à Rochecolombe

Rochecolombe, sa cascade, blog monpays.blogs-de-voyage.fr

Par le vieux pont, je repasse dans le vieux village. Les points d’intérêt méritant un peu de votre temps de visite se trouvent donc au début et à la fin de randonnée, au plus proche du village de Rochecolombe.

 

Itinéraire 197m dénivelée (500m cumulées), 10km000, 2h45 dépl. seul