** Deux sources qui parlent : l’énigme de la Font-Ria

Pour y accéder depuis Saint-Etienne, nous sommes passés d’abord à la République qui, selon le site Forez-info.com, pourrait bien n’être qu’une déformation de « l’arrêt public » des diligences sur cette route, remplacées aujourd’hui par les cars. Arrêtez-vous à la Croix du Trêves (de Trivium = carrefour), sur la route entre Saint-Genest-Malifaux et Planfoy, jonction de la D33 et la D501. Je ne vous y emmène pas pour la marche qui est très courte, mais pour la curieuse histoire de cette source.

Première étape de mon séjour dans le Pilat dans le Bois Farost. Le sentier n’est pas balisé, la source n’est pas repérée ; c’est donc Jean-Claude, qui habite Saint-Etienne, qui me guide jusque là, par un sentier forestier bordé de hauts sapins ; à 1019 m d’altitude, entre des rochers taillés qui la protègent, s’écoule la source Font-Ria fraîche et limpide, la source du Cotatay qui alimente le barrage. Sur les parois horizontales et verticales, des inscriptions sont encore visibles ; je ne sais pas trop dans quel sens les lire, je décode quelques mots, mais heureusement un érudit local s’est penché sur le sujet.

Font-Ria, site de la commune de Saint-Genest Malifaux

L’histoire de la source

1614 environ : ce serait la date des inscriptions ; ce n’est qu’au XXe siècle qu’une étude très approfondie des données de l’épigraphie, de la linguistique et de la chronologie a permis à l’abbé Granger de les dater. Le graveur pourrait être Jean Pirand ou son collaborateur Anthoine Mosnier, ou Melchior Mitte de Chevrières, ou… Flânerie autour de la croix du Trêve
1623 : un poème intitulé Antiquitez du lieu de Saint-Genez de Malifaut et environs, abbé Louis Jacquemin 1590-1652, évoque l’histoire antique du lieu. Ce récit burlesque cite le bois Farost et la Font Réale ; il a été lu sur place en 1623 par François Rousset, âgé de 16 ans, fils du notaire royal Jean Rousset.
1876 : un érudit, Charles Guilhaume, retrouve poème et source, et communique le résultat de ses recherches à la Société historique et archéologique du Forez (DIANA) en 1895. Il pense qu’il s’agit d’une source sacrée. Flânerie autour de la croix du Trêve, Forez-info.com
1918 : un jeune étudiant Jean Granger – qui deviendra Père mariste, professeur de Lettres et aumônier de l’hôpital de Saint-Jean-Bonnefonds -, agacé par les rumeurs autour de la source, défriche les bois  et retrouve la fontaine bordée de deux dalles gravées, porteuses d’inscriptions en français.

A l’occasion de ses recherches il [le père Granger] met à jour de très nombreux éclats de silex taillés, prouvant une occupation des lieux dès la préhistoire, mais aussi des tessons de poterie de l’époque celtique ou gallo-romaine. Selon forez-info.com

1935 : premières photographies des inscriptions.
Années 60 : le père Mariste Granger découvre une pierre cassée portant seulement quelques lettres : LE C… AP… MC… V… Avec l’accord du propriétaire, aidé d’un maçon, il restaure la source et ses dalles gravées dont il a décodé l’énigme.
14 mai 1971 : La Font-Ria est inaugurée ; elle nous livre enfin son poème complet. Ci-contre photo de l’inauguration (extraite du site forez-info.com)

L’énigme poétique gravée sur les pierres

La ponctuation a été rétablie ainsi que les espaces pour une meilleure lisibilité. Poème à deux voix, celles des deux sources, et trois cloisonnements.

LE COULAGE
ARRESTE
MON ONDE
VOUS RESTE
JE GLACE DE
PEUR
EN PERDANT
MA SOEUR
(Le JE n’est plus visible aujourd’hui)
CAR L’ON ME
CARESSE
LORSQU’ELLE
ME LAISSE

Continuer la lecture de « ** Deux sources qui parlent : l’énigme de la Font-Ria »



Le lac et les alpages de Mariet

Parking à Montagny, hameau d’Arith, au bout d’une impasse. Le balisage est bon. J’ai prévu une variante hors balisage au cas où nous aurions un peu de courage.

La piste forestière est facile et monte doucement jusqu’à dominer la vallée et ses petits villages : Arith, Bellecombe-en-Bauges, etc. Après le virage en épingle sur la droite, nous circulons sur le GR de pays du massif des Bauges bordé de pivoines sauvages en bouton ; en Provence, elles sont déjà ouvertes.

Le sentier devient fortement empierré, sans doute une ancienne voie romaine. Marquée par endroit d’ornières dues au passage de véhicules, on pourrait penser à des chariots romains mais l’écartement mesuré par Domi grâce à une marque sur son bâton de randonnée infirme cette hypothèse : 83 cm environ.  Ce sont des traces de traîneaux à foin hippomobiles (selon wikipedia Montagne de Bange), peut-être même le genre schlitte vosgienne.
Je suppose que le traîneau ressemblait fort à celui de Montdenis (photo ci-contre à gauche extraite du site hippotese le cheval de travail, Savoie, Maurienne) ou d’un autre département montagneux proche l’Isère.

Traîneau ordinaire (Isère) : longueur 2 m; largeur: 1,10 m; hauteur au dessus du sol : 0,50 m. Les patins sont en bois non ferrés. Ils portent 4 montants appelés jambes auxquels sont fixés 2 traverses supportant le plancher. Selon Véhicules agricoles des régions de France : matériaux pour une ethnologie historique, J.-R. Trochet, E. Laubrie, Ministère de la Culture et de la francophonie, Mission du patrimoine ethnologique, Musée national des arts et traditions populaires (Rhône-Alpes, p. 595)

Nous délaissons le GR à la croix de bois à 993 m d’altitude, au lieu-dit Les Taillis. Curieuse croix de bois sombre sur laquelle une plaque de métal porte l’inscription « CRWE D’LA SALL’ A D’ZEU » (patois savoyard, allusion à la croix de l’Assemblée de Dieu ?) ; dans son livre Les Bauges, terre d’art sacré, La Fontaine de Siloë, 2005, Françoise Dantzer la date de 1978, année du centenaire de la création de la chapelle de Montagny ; en bas à droite D/9-99, la croix aurait-elle été restaurée récemment ? gravés dans le bois MM DOV, peut-être le pseudonyme de l’artisan créateur de la croix ; derrière, un banc de bois ressemblant à un banc d’école autrefois.

Le sol du sous-bois est maintenant couvert de racines entremêlées ; il devient de plus en plus humide et sombre ; au sortir du bois, le paysage s’ouvre sur les alpages et les chalets du Mariet-Dessous1 ; à partir de là, le sentier se dilue dans l’herbe, plus ou moins visible.

L’eau circule un peu partout : ruisseau, sources, lac,… Enfin le petit lac de Mariet, seule étendue d’eau dans ce secteur. Les dolines sont de plus en plus nombreuses dans les prés. Prudence aux aventuriers !

[La doline] est une dépression fermée et circulaire ; sa profondeur et sa largeur peuvent aller de quelques mètres à quelques dizaines de mètres; cette forme d’érosion est due à la dissolution du calcaire par les eaux acides.
Son aspect peut être très différent selon la nature du calcaire, l’altitude, l’exposition ; son évolution dépend de quatre facteurs : la dissolution, le comblement, l’évacuation et la désagrégation. En fonction de ses quatre facteurs, on peut distinguer des dolines en chaudron, en baquet (bords nets et fond plat), en entonnoir, en soucoupe, en cuvette… Les curiosités au fil des randos

Continuer la lecture de « Le lac et les alpages de Mariet »