* Balade archéologique d’Eyne

La Catalogne, d’emblée, m’a fait douter que j’étais en France : tout le monde parle catalan, petits et grands, et lors de la visite de fort Libéria à Villefranche-de-Conflent, j’étais la seule qui ne comprenait rien aux échanges. A l’arrivée, le chauffeur de la navette du fort a quand même pensé à m’adresser quelques mots en français. Cette forte identité qui se dégage de la région s’explique par son histoire.

la météo du jour à Eyne
Avec le vent à 3 jours

Je vous conseille de descendre du fort Vauban par le souterrain aux mille marches (734 en vérité) construit plus tard, entre 1850 et 1853 : sensations garanties !

Chambre 3Gite San FeliuArrivée à LLo – prononcez Yo, nous sommes en Cerdagne – un peu après 18h au testgite San Feliu, j’ai été accueillie par Anne qui s’était déjà inquiétée de ne pas me voir arriver. Elle me présente ma chambre, coquette et simple ; sur la mezzanine, toilettes et douche à l’italienne ; un petit balcon donne sur les montagnes. Et le wifi pour ceux qui ne savent plus se passer d’internet ! Que demander de plus ? Elle m’accueille avec un verre de jus de pommes et nous échangeons sur les randonnées : pour la mise en forme, la première sera facile et comblera ma curiosité : la balade archéologique d’Eyne rassemble sur peu de distance, plusieurs vestiges préhistoriques et antiques.

[…] le territoire de la commune [d’Eyne] a été habité très tôt par les premiers hommes préhistoriques. Nous sommes au néolithique, vers -6000. Les premières traces évidentes se trouvent à travers les dolmens et les menhirs, de l’époque mégalithique (-2200). Une civilisation plus moderne du Ve siècle avant JC, les Keretanis […] occupaient la Cerdagne, ainsi qu’une partie des hautes terres de l’actuelle Andorre et Espagne.

 

Dolmen el PouDolmen el PouDépart du parking en terre battue en face du club équestre. La carrer del Carreter se termine en chemin de terre.Vue sur le massif du Carlit Balisage jaune-rouge. Après le passage du ruisseau qui s’écoule par palier, c’est le dolmen el Pou caché autrefois sous un tumulus de pierre et de terre. Il a été daté de 2200 avant J.-C grâce aux os calcinés retrouvés à l’intérieur.

Le dolmen els PasqueretsLes murs de pierre sèche délimitent les parcelles ; au bout du chemin parfois empierré, je croise la voie antique, qui probablement emprunte le même itinéraire qu’un chemin plus ancien. Le balisage devient jaune, un panneau représentant une coquille signale le chemin de Compostelle. Colonisés par les romains, les kérétanis, peuple qui occupait les lieux, se sont mélangés à la civilisation romaine du nouvel empire (-121). Pour découvrir le dolmen els Pasquerets, il faut grimper le long d’un grillage après quelques dizaines de mètres sur la Via Cerdana.

le pont de bois et ses piles romainesle pont mégalithiqueAu point marqué « pont romain », ce n’est pas là qu’il y a le pont, je descends par la gauche jusqu’au pont de bois  dont seules la base des piles est romaine. Un peu plus loin, en passant sous le fil de fer, je peux voir le pont mégalithique sous lequel s’évade les flots d’un ruisseau. C’est un assemblage de roches érigé durant le néolithique. Ne sachant pas son existence, je n’ai pas vu le bloc de granit fendu, la fameuse roque del traginers, lieu de rendez-vous des traginers. Le traginer est une personne qui transporte des marchandises à l’aide de bêtes de somme comme le cheval, l’âne, le mulet ou le bœuf. Pendant de nombreuses années ils ont permis l’échange de produits (blé, orge, pommes de terre, le vin,…) entre les villages et villes. Ce sont les muletiers catalans. Photos sur le site des Pyrénées catalanes.

Le sentier qui grimpe après le pont mégalithiquemenhir d'Eyne dit des BassousesDemi-tour pour trouver à quelques dizaines de mètres le panneau indiquant le dolmen suivant : le sentier va grimper, sinuer, traverser un canal rustique, longer une forêt de bouleaux. Au croisement avec la D29, il faut continuer sur la route à droite puis reprendre le sentier sur la gauche. Là, le menhir des Bassouses (Del Bosc) se dresse sur fond de montagnes.

Blocs de granitLe chemin se poursuit entre les blocs granitiques épars qui jonchent les prés. Le long de la frontière entre Eyne (autrefois Eina) et Llo (autrefois le domaine d’Allius), un rocher porte une inscription médiévale gravée E et A, signalant la limite entre les deux communautés. Je ne l’ai pas trouvé malgré un aller-retour le long de celle-ci.

Pierre à cupules ?Un coureur qui fait le même parcours que moi en sens inverse, me salue alors que j’arrive au niveau des pierres à cupules. Je n’en ai jamais vu « en vrai » mais uniquement sur les photos d’Emmanuel Breteau, à l’exposition d’art rupestre de l’arc alpin qui avait lieu dans l’abbaye de Hautecombe en 2013 (Tour des Bauges J2). Je n’ai trouvé que des grosses cupules dont la couleur du fond me fait penser qu’elles ont peut-être contenu un liquide qui les a colorées.

Sur le site rando66, d’autres photos

Eyne pierre cupules (site internet)Une cupule est une forme de pétroglyphe réalisée à la surface de rochers ou d’affleurements rocheux. Il s’agit d’une dépression concave, de forme circulaire. Les cupules sont généralement de taille modeste, de quelques centimètres de diamètres. Parfois, plusieurs cupules sont reliées par une rigole. Le but de ces décorations n’est pas connu, pas plus que l’usage exact qui en était fait. Au vu de rigoles qui reliaient, dans certains cas, les cupules entre elles sur des surfaces plus ou moins horizontales, on a parfois pensé qu’elles étaient liées à des libations rituelles, mais les preuves d’une telle théorie font absolument défaut. wikipedia

Abri sous rocheL’abri sous roche est le dernier monument du circuit. Amas rocheux sous lequel une ouverture étroite donne accès à un abri. Il a servi d’abri temporaire de tout temps, 2000 ans avant J.-C., et 3300 avant J.-C.

Sentier ou ruisseau ?Fin du parcours vue sur EyneA partir de là, il faut être particulièrement attentif pour ne pas perdre le balisage jaune. Sur la toute fin du parcours, le sentier c’est le ruisseau qui aboutit le long du centre équestre. Il y a bien un sentier praticable à côté mais il est privé.

Site Pyrénées catalanes, beaucoup d’informations et photos

Télécharger la fiche rando

Une excellente mise en jambe avec ce circuit varié et facile qui nous fait plonger dans l’histoire la plus ancienne de la Cerdagne.

Image itinéraire Eyne sentier archeologiqueImage de l’itinéraire sur carte ©IGN 6km100, 127m dénivelée (+305, -301), 2h déplacement (2h40 au total avec visite). L’extrémité des flèches rouges < indiquent la géolocalisation des points d’intérêt.

Tour des monts d’Aubrac J7 : de Laguiole à Saint-Urcize

et dernière étape de notre randonnée liberté organisée par Grand Angle. Depuis l’hôtel Régis à Laguiole (prononcé La-yole par les autochtones), ancien relais de poste du XIXe siècle transformé en hôtel de charme et de tradition, nous avons visité Laguiole, découvert ses couteaux, son fromage et son taureau de bronze sur la place, émanation symbolique de la force placide, de la fougue et de la vigueur du mâle de la race Aubrac. selon l’office du tourisme de l’Aveyron.

Photo coopérative jmontagnesLa fabrication fromagère de l’Aubrac est issue d’une tradition très ancienne ; les moines de la Dômerie l’employaient déjà au XIIe siècle. Le lait de la région est collecté pour fabriquer la tome de Laguiole qui bénéficie d’une appellation d’origine contrôlée. Je crois que presque tous les dîners qui nous seront proposés seront à base de fromage dont le célèbre aligot. Bien réussi, il a la forme d’un ruban qu’il faut entortiller autour de sa fourchette en l’étirant vers le haut pour qu’il se rompe naturellement. La coopérative Jeune Montagne

Pour 4 personnes : 1 kg de pommes de terre bintje – 400 gr de tome fraîche- 200 gr de crème fraîche épaisse – 1 ou 2 gousses d’ail – sel et poivre.
Eplucher les pommes de terre et les gousses d’ail. Couper les pommes de terre en gros morceaux et les faire cuire avec l’ail 20 minutes dans de l’eau bouillante.
Pendant ce temps, couper la tome fraîche en fine lamelles.
A la fin de la cuisson retirer l’ail, passer les pommes de terre au presse-purée en ajoutant éventuellement un peu d’eau de cuisson pour obtenir la consistance désirée.
Incorporer la crème fraîche en mélangeant avec une cuillère à bois, puis rapidement 400 gr de tome fraîche en remuant énergiquement afin d’aérer l’aligot qui doit filer au bout de la spatule en formant un ruban. On peut, si on le désire, parfumer encore d’une gousse d’ail entière écrasée. Extrait de cuisineaz.com. Une autre recette sur le site Lozère online

 

Nous sortons de Laguiole sous un ciel contrasté ; après la carrière de Rataboul qui n’a même pas retenu notre attention, c’est la ferme des Abiouradous. A l’entrée de la clairière, la piste forestière commence par un sentier botanique ; pas très sûrs de nous dans cette forêt, nous relevons le numéro de téléphone d’un riverain croisé en cours de route, au cas où…

Puis  c’est  une très longue traversée des pâturages, si longue que nous n’y prêtons plus attention jusqu’au moment où nous nous trouvons face à une barrière métallique. Interrogations. Je jette un coup d’œil sur mon GPS : si on traverse en diagonale, on rejoindra le GR mais il nous faudra déranger les vaches. Alors que nous cherchions une indication, le propriétaire depuis son tracteur, nous interpelle un peu énervé : « il faut suivre le mur ! ». Manifestement, ce n’est pas la première fois que des randonneurs se trompent. Et là, honteux, nous constatons qu’il a placé à l’entrée de son chemin d’accès, un panneau : « passage privé direction st-urcize, le long du mur ».

Nom de ce champignon ?

Continuer la lecture de « Tour des monts d’Aubrac J7 : de Laguiole à Saint-Urcize »

Tour des monts d’Aubrac J5 : de Rieutort à Aubrac

J5 de notre randonnée Liberté du Tour des monts d’Aubrac, de Rieutort d’Aubrac à Aubrac1. Le hameau d’Aubrac se situe au carrefour de trois départements (Aveyron, Cantal, Lozère) et de trois régions (Midi-Pyrénées, Auvergne et Languedoc-Roussillon). Aubrac peut être considéré comme le cœur du plateau du même nom.

Le chauffeur de taxi nous dépose à Rieutort d’Aubrac près d’un ancien abreuvoir. Le ciel est contrasté, plutôt dans les tons pluvieux mais ça donne aux paysages un côté irréel. La première croix de granit rencontrée porte sur son piédestal et sur ses branches, la trace du passage de nombreux pèlerins qui ont déposé un modeste caillou supposé provenir du lieu où ils habitent. Cette tradition persiste le long de nombreux chemins de pèlerinage dans le monde, comme à la Cruz de Ferro, en Camargue, où même en des lieux symboliques comme au cairn 2000 sur la montagne de Lure. Nous n’avons pas amené de cailloux… mais en avons déposé un prélevé sur place.

La tradition, […] veut que chaque pèlerin dépose au pied de la croix une pierre ou un caillou transporté depuis le lieu de départ. Ce poids supplémentaire et inutile dans le sac à dos représente les choses superficielles auxquelles nous accordons souvent une trop grande importance dans la vie… Le pèlerin, arrivé au point culminant du Camino, peut se libérer de ce qui lui pèse, avant d’entamer la dernière partie de son parcours vers le tombeau de l’apôtre. Selon Le Camino francés culmine à la Cruz de Ferro

En face du pré où un taureau est en train de paître, s’étale Bouquincan ! un drôle de nom pour cet ancien moulin, nom que l’on retrouve dans plusieurs livres anciens écrits en français (mémoires sur l’ancienne chevalerie, Jean-Baptiste de La Curne De Sainte-Palaye ou La surprise du sieur de Soubise ; de Bouquincan general de l’armée Angloise, avec la deffaite de leur suitte, 1627) et qui désigne le duc de Buckingham. Dans plusieurs dictionnaires français-provençal du XVIIIè, ce terme désigne aussi un ‘bonnet à forme haute’ dont les bords se rabattent pour se protéger du mauvais temps. L’origine est-elle donc historique ou par analogie avec la forme d’une hauteur environnante ? A en croire le site de la commune de Marchastel, leur château fut assiégé et pris par les Anglais sous le règne de Charles V (pendant la guerre de Cent Ans). Les Anglais, qui avaient campé dans la plaine le long du Bès, y auraient édifié un moulin dont le nom francisé n’est autre que celui du duc de Buckingham.

Le territoire de Marchastel même n’est qu’une vaste étendue de pâturages verts ; au coeur de cette prairie humide, la végétation reste verte tout l’été. L’Aubrac possède un chevelu dense de cours d’eau : un « château d’eau » naturel.

Le lit majeur du Bès est très étendu et très peu encaissé. Il s’étend dans les tourbières séparées de quelques buttes arrondies ; une vallée se forme et des terrasses non inondables apparaissent de chaque côté du lit.

Une première vache traverse la rivière facilement, à l’endroit le moins profond ; après un long moment d’hésitation, une vache puis deux puis le troupeau suivent la première en beuglant : elles ont de l’eau au dessus du genou, elles s’inquiètent. Pas si bête la première qui a donné le signal aux autres.

Après le Puech del Pont (voir le panoramique de Hervé Sentucq), plusieurs pancartes non équivoques interpellent le pèlerin en quête d’hébergement ou de nourriture ; après Carouquet Haut et son buron, nous arrivons au pont sur le Bès, une des principales rivières de l’Aubrac.

A Mongros, les informations se juxtaposent en hauteur : le GR, le sentier jaune, la coquille des pèlerins de Compostelle, le circuit du Déroc et une flèche rouge.
Vidéo de la cascade vue d’un drône, par Christian Segonne.

Après la publicité pour un taxi et pour un restaurant fiché dans un poteau de bois, nous arrivons à Nasbinals. Les maisons et  les commerces se groupent autour de l’imposante église Sainte-Marie, un des fleurons de l’art roman en Aubrac. Elle fut construite dès le XIè siècle par les moines de Saint-Victor de Marseille comme centre d’un prieuré dépendant d’Aubrac accueillant les pèlerins avant une étape particulièrement difficile par mauvais temps. Elle est remarquable par la polychromie de ses matériaux, son clocher octogonal et la voûte de la nef en ogive.

Créé en 2003 par une association locale, le festival Phot’Aubrac est un festival photo dédié aux amateurs de photographies.  Sur un mur de Nasbinals, je tombe sur une photo géante du photographe naturaliste Renaud Dengreville.  Assistant réalisateur sur le film microcosmos, il parcourt le plateau à la recherche des images qui illustreront son prochain ouvrage ou son prochain film. Chenille de cucullie ?

Après une pause, nous repartons sur le GR 65, passant à côté de la stèle d’un marcheur de 58 ans décédé en chemin en 2011. Après le champ de gentianes desséchées, les murets de pierre sèche, nous entrons dans un sous-bois humide.
Un rapace vole très haut dans le ciel : avec sa queue en triangle concave, serait-ce un milan royal ?

Plutôt charognard, il préfère consommer des animaux morts que de leur faire la chasse. Il est assez commun en Lozère. Les zones humides d’Aubrac étant des milieux ouverts par excellence, elles l’attirent. Les populations semblent stables et même en augmentation dans le sud du pays : Massif Central, Piémont pyrénéen et Corse. La plupart des milans royaux d’Europe de l’Ouest passent la saison froide en Espagne où il a été recensé jusqu’à 60000 hivernants. Un petit nombre d’entre eux volent jusqu’en Afrique du Nord.

Commence alors une longue ligne droite que nous parcourons tout en discutant. Soudain, nous nous trouvons à la ferme de Pascalet ; les propriétaires, juchés sur leur tracteur, font de grands gestes de dénégation pour signaler notre erreur. Il faut prendre la barrière un peu avant mais nous n’avons pas vu le balisage. Demi-tour. Une centaine de mètres plus loin, un message affiché à la barrière, nous invite à laisser notre obole en faveur des propriétaires qui entretiennent et aménagent le sentier. Ensuite, le pâturâge à perte de vue, sur des kilomètres et juste quelques traditionnels burons comme à Ginestouse bas, complètement perdus dans la verdure. A la barrière de sortie, nous retrouvons un morceau de hêtraie préservée de la déforestation. André et moi y déjeunons, observant les pèlerins pressés fiers de marcher 30km par jour : et nous,  nous prenons tout notre temps.

Continuer la lecture de « Tour des monts d’Aubrac J5 : de Rieutort à Aubrac »