Tour du lac d’Annecy

Il est possible de faire le tour du lac d’Annecy en vélo ou à pied sur presque la totalité du parcours (42 km) ; ayant déjà découvert la rive est il y a quelques années, je propose à Pierre et Marie de marcher sur la rive ouest d’Annecy à Saint-Jorioz ; afin de marcher le plus longtemps possible, nous ne ferons pas un aller-retour à pied mais nous reviendrons par le car de la ligne 51 ou 52. J’aurais préféré prendre l’omnibus par bateau mais il ne fonctionne plus en cette période. Il suffit de bien évaluer la distance à parcourir pour ne pas rater le dernier car qui nous ramènera à Annecy.

Départ du parking du centre Bonlieu. Accès aux Jardins de l’Europe par le pont des Amours qui, aujourd’hui, n’a rien de particulier pour mériter ce nom. Depuis le pont de la Halle, Annecy ressemble à une petite Venise avec son ruisseau – le Thiou – qui traverse la ville et ses maisons colorées qui se mirent dans l’eau claire. L’îlot des cygnes, artificiel, incongru avec son arbre à la ramure imposante, porte bien son nom. Le niveau du lac est si bas que les pédalos ne parviennent pas à rejoindre la rive sans aide.

Nous suivons pendant un bon bout de temps la piste cyclable qui elle-même suit la route passante et bruyante. La promenade Cheltelham traverse la base de loisirs des Marquisats en pleine effervescence car il fait beau.Un bout de jardin au bord de l’eau se prolonge sur une piste macadamisée : quelques oiseaux paisibles nagent près du bord. A noter que le tracé officiel longe la piste cyclable mais nombreux sont ceux qui passent par là.

Le Grand Hôtel Beau Rivage à Sévrier avec vue sur le lac et jardins d’agrément, avait son propre embarcadère à la fin du XIXe siècle ; des services étaient assurés d’Annecy par les navettes Roselet ou Beau-Rivage, ainsi que par les grands vapeurs comme le Ville d’Annecy ou le Mont-Blanc. Selon le site Annecy vapeurs.

La piste s’éloigne car de belles propriétés ont pris possession des rives avec leur propre embarcadère (quels veinards ceux qui habitent là !). En allant vers Chuguet, nous sommes attirés par un bruit cadencé : sur la piste cyclable, deux coureurs, bâtons de ski en main et roller-ski aux pieds, font des allers et retours en se balançant d’une jambe sur l’autre d’une drôle de façon. Mais qu’est-ce que c’est que ce sport ?  du ski à roulettes ! les bâtons servent à se propulser ; les skis permettent le skating et le pas alternatif. Ils doivent être munis de système anti-recul sur les roues arrières. Le total skis et fixations, bâtons, casque coûte au moins 400€. Un cours en photo sur ce site personnel

Quelques oiseaux dont une mouette rieuse qui ne niche pas sur le lac d’Annecy et quelques canards qui nous font sourire quand ils agitent sans vergogne leur arrière-train pour chercher leur nourriture sous l’eau.

Changement de décor au hameau du Crêt : une première roselière. Tout juste devinerons-nous au bruit la présence de quelques oiseaux d’eau qui s’y abritent. Puis un petit port de plaisance.

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Le voile noir de la mariée

Ce début d’octobre est ensoleillé près d’Annecy ; après une matinée plutôt cool, nous décidons d’aller jusqu’au voile de la mariée à partir de l’église de Saint-Sylvestre, perchée sur sa colline (658 m) qui domine la vallée des Bornières et l’Albanais. Nous l’apercevons depuis notre location à Alby sur Chéran.

Le parking se trouve face à l’école ; nous suivons la route que nous quittons rapidement, au grand hangar de véhicules agricoles, pour un chemin communal qui s’enfonce dans les sous-bois. Balisage jaune-vert.

A travers une trouée d’arbres, une longue crête rocheuse hérissée de dents (Lanfon, du Cruet) et de têtes (Turpin, Paccaly) se termine vers le Semnoz tout en rondeur. En contre-bas, dans le hameau de Champollier, un potager aux touches orangées attire notre attention : les citrouilles sont déjà là, bien avant Halloween !
Le chemin rural porte encore le nom qu’il avait autrefois, mentionnant les lieux qu’il reliait : chemin rural de Champollier à Saint-Sylvestre.

A nouveau un petit bout de route dans le hameau ; en haut du talus, quelques vaches profitent encore du pré sous une température clémente. Un sentier en sous-bois sombre, toujours plus bas et de plus en plus étroit, traverse le ruisseau sur une planche de bois, descend encore et nous mène au pied du voile de la mariée située sur le nant (cours d’eau en Savoie) de l’Eau Salée, à la frontière entre Chapeiry et Saint-Sylvestre ; un voile noir, de la couleur de la roche  humide, quasiment sans eau à part quelques gouttes au bas de la roche de tuf. D’après la légende, ce sont les larmes d’une princesse déçue par un chagrin d’amour qui alimenteraient la cascade. Moins prosaïque, au contact des végétaux, l’eau a formé un dépôt calcaire formant le tuf, roche légère et poreuse caractéristique des régions calcaires.

Quand il a plu, les eaux de la cascade se dispersent telles une chevelure au vent ; je suis un peu déçue forcément mais il ne pouvait en être autrement puisque l’été a été particulièrement sec.

Nous retraversons le ruisseau sur une planche de bois et nous nous arrêtons : un ruban de balisage rouge et blanc coupé, est encore accroché à un arbre ; un arrêté municipal, pris en février 2018, nous interdit le retour par les Daudes, lieu d’un important éboulement ; peut-être l’arrêté n’est-il plus valable ? coup de fil à la mairie qui maintient son interdiction. Le service aménagement du Grand Annecy n’est donc pas revenu faire son état des lieux. Mais pourquoi donc n’avertit-il pas dès le départ sur le panneau d’information du parking ?

Demi-tour. Nous passons entre un champ avec des chevaux et un jardin, impression d’enfreindre une propriété privée ; des arbres au tronc courbé sans doute par le poids de la neige, me font penser aux tavalans que j’ai vus dans les Bauges. Lire dans ce blog le tour des Bauges

Dans les pentes des montagnes, lorsqu’un jeune arbre pousse, la neige le couche chaque année et à chaque printemps, il se redresse mais en gardant la forme coudée, ce qui fait qu’avec l’âge, il possède une belle crosse. Ces crosses étaient fixées dans la charpente de l’avant-toit et faisaient, avec l’assemblage qui lui était nécessaire, de véritables balcons qui avançaient sur les murs de la grange. Selon le site de La Compote

Une vieille publicité de machine à coudre, comme la première de ma maman, orne la porte d’une grange  en bois. Le chemin rural dit ‘de la Coix’1 (non, pas la croix !), un long sous-bois puis au débouché du grand virage de la route, la croix devant l’église, puis l’église de saint-Sylvestre fermée : nous ne verrons donc pas les statues polychromes. Au pied de l’ancien clocher médiéval qui sert de sacristie aujourd’hui, se trouve une inscription romaine, fragment d’un monument d’origine inconnue sur lequel on ne reconnaît que le mot latin FILIAE (= fille).  Vidéo par drône au dessus de l’église

Pour nous consoler, nous décidons de visiter le patrimoine local de deux hameaux de Saint-Sylvestre (en voiture) car même s’ils sont proches, à vol d’oiseau ils ne le sont pas à pied : Vouchy et Songy.

A Vouchy, nous n’avons pas trouvé la maison forte signalée sur le panneau d’information de la place de l’église : elle était propriété des Barnabites d’Annecy, religieux de l’ordre de Saint-Barnabé qui, au XVIIe et XVIIIe, possédaient des biens à Champollier et Grenier ; il y en a une autre au nord du bourg de Saint-Félix, au hameau de la Sauffaz (Ne pas prononcez le z final2) ; le four banal est en bon état (restauré en 1810 et 1975) et toujours utilisé : des fagots de bois posés contre le mur attendent la prochaine fournée.
Dans le lavoir double, juste en face, de construction récente, s’écoule une eau parfaitement claire. Dommage que ce petit patrimoine local ne fasse pas l’objet d’un panneau d’information et de l’indication d’un parking…

Le château de Songy, signalée dès 1370 dans les textes, est en réalité une maison forte, difficilement visible depuis la route : elle ressemble à une grosse maison avec une tour ronde et une tour carrée ; une demeure seigneuriale a complété le bâtiment au XIXe.

Une balade bien agréable dans les sous-bois à parcourir de préférence au printemps quand l’eau du ruisseau est abondante. Pour les plus téméraires, les failles de Saint-Sylvestre, étroites et profondes, méritent une petite visite. Photos dans ce blog et itinéraire dans Altitude rando, les failles de St-Sylvestre

Image des itinéraires aller-retour  5.790 km 196 m dénivelée (+265, -265) 2h30 au total. Boucle prévue 4km300 196 m dénivelée (+265, -265)

1Coix : peut-être de coise (toponymie des Alpes) signifiant bois, forêt. Pas de carte de Cassini pour essayer de comprendre ce toponyme (la Savoie n’est pas française à cette époque)
2 les suffixes en -az, -oz (-otz), -uz, -ax, -ex, -ux, -oux, et -ieux (-ieu) en sont caractéristiques. Ils indiquent la syllabe accentuée. Pour les noms multisyllabiques, « z » indique l’accentuation sur l’avant-dernière syllabe, et « x » sur la dernière selon toponymie arpitane de Henri Denarié, La Voix des Alloborges n°13, 2007

Les berges de l’Allier à partir de la tour de Villemouze

Quelques jours dans l’Allier avec mon frère et sa famille et déjà j’ai la bougeotte ; depuis plusieurs semaines, il fait si chaud en Provence où j’habite que je n’ai pas pu marcher. J’expose donc ma requête à l’office de tourisme de Saint-Pourçain sur Sioule ; pour la partager avec des non-marcheurs, il me faut : une balade nature, pas loin, pas longue, pas difficile, peu de dénivelée et pour moi avec un peu de patrimoine. L’hôtesse d’accueil, fort souriante, m’en propose plusieurs ; je retiens ‘la tour de Villemouze’.

Pour y accéder ce sera galère car justement la route D46 qui y mène directement est fermée. Après quelques petites routes étroites, et un chemin de terre dont on ignore l’issue, nous arrivons près des camions qui défilent sans arrêt. Dans un premier temps, nous allons jusqu’à la tour de Villemouze : un habitant nous indique que le départ des randonnées se situe désormais un peu plus loin en direction de Saint-Pourçain, après les grosses pierres, au panneau d’information.

La tour de Villemouze est le dernier vestige du château-fort et du fief de Villemouze (XIVe), autrefois situé dans la paroisse de Contigny (diocèse de Clermont) et berceau de la famille Chavagnac. Le sieur de Villemouze était seigneur justicier et vassal de la châtellenie de Verneuil en 1566. De l’ancien château-fort, il ne subsiste plus que cette tour caractéristique, située dans la cour d’un domaine. Contigny, histoire générale des origines à l’époque actuelle, Jolivet Albert, 1958

Dans ce château, M. Devaulx y a élevé des vers à soie au début du XIXe ; 123 livres de soie pour onze onces de graines [mûriers blancs]. Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, Société d’agriculture de Paris, Société royale d’agriculture de Paris, 1829

Mais le plus incroyable c’est qu’à Villemouze, le long de la route D46, dans un paysage de champs et d’étangs à perte de vue, passait une ligne de chemin de fer à voie étroite, d’intérêt économique (transport de marchandises : charbon et métaux, minerais, bestiaux, céréales, etc) ; en 1884, le conseil général de l’époque émet le vœu que dans le nouveau chemin de fer à voie étroite de Varennes à Saint-Pourçain une halte soit établie à Villemouze ; elle sera située au carrefour du chemin de Contigny (par Rachailler) et du chemin de Paray sur Briailles, donc non loin de la tour. Je ne l’ai pas retrouvée ; elle devait ressembler à celle ci-contre à droite, simple abri sans fenêtre.

Cette ligne de 103 km (portion en rouge sur la carte), exploitée par la Société générale des chemins de fer économiques, reliait Varennes à Marcillat. Elle était jadis parcourue par les fameux « tacots », trains à locomotive à vapeur. Elle a ouvert par tronçons entre 1887 et 1891. Toute la ligne sera fermée définitivement en 1939.
Selon le reportage de François Librini sur la Ligne Varennes-sur-Allier – Marcillat

Les jours de foire à Montmarault, le premier train part à 3h56 du matin de Varennes mais ne dessert pas Villemouze. Celui de 9h15 y passe à 9h30 et arrive à  Saint-Pourçain à 9h52 soit une moyenne de 37km/h !
La ligne est peu fréquentée ; en 1926, elle est toujours utilisée par les ouvriers de Varennes ou de Saint-Pourçain ; M. Poquet demande donc au Conseil général que tous les trains du chemin de fer économique s’y arrêtent, précisant aussi que le lieu est également fréquenté par les pêcheurs et que deux auberges s’y trouvent. Rapports et délibérations / Conseil général de l’Allier, Conseil général de l’Allier, Conseil général de l’Allier (Moulins), 1926-08

Nous partons donc du parking aménagé ; un grand panneau d’informations nous apprend que le plan d’eau de pêche est soumis à la règle du no-kill1 (remise à l’eau immédiate des carpes et carnassiers) ; les poissons blancs peuvent être conservés provisoirement en bourriche ; on peut faire du télé-ski nautique à l’extrémité du plan d’eau proche de la route.

La piste contourne le plan d’eau ; rapidement la tour de Villemouze apparaît derrière les fils tendus dans le wake park.

Datée du XIIIe siècle, elle est d’une architecture rare dans la région, assortissant briques et bois. Avec un étage à encorbellement faisant mâchicoulis, des murs de trois pieds (un mètre) d’épaisseur, elle indique nettement sa destination défensive.
La porte renaissance, rajoutée au XVIe siècle, est surmontée d’un fronton rectangulaire. Extrait de la fiche de randonnée remise par l’Office de Tourisme de Saint-Pourçain

Nous ne tarderons pas à croiser des pêcheurs, une famille qui s’est installée sous des tentes ; le père a posé un berceau sur pied qui ressemble fort au premier berceau dans lequel ma fille aînée était transportée en voiture en 1973. Mais il est plus léger ; c’est un tapis de réception pour la pêche à la carpe.

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