Je quitte l’hôtel Arcalod de Jarsy [prononcer JarZy] le plus confortable des hébergements que nous avons eus durant le séjour dans les Bauges : bar, internet gratuit, vente de cartes postales, salle d’eau, télévision dans toutes les chambres, séchoir à cheveux, gel douche, possibilité d’avoir un pique-nique, etc. C’est la troisième journée de notre circuit du tour des Bauges organisé par Grand Angle avec son partenaire Terre d’Altitude.
Je passe sur le Chéran, la plus grande rivière des Bauges, avec de multiples résurgences, où l’on pêche la truite et… où on peut encore trouver de l’or. Selon le J.T. de Pernaut du 27 avril 2012. Comme dans chaque village, je retrouve le lavoir ou la fontaine fleurie. Le premier village traversé s’appelle Ecole (Ecole en Bauges, autrefois Scola puis Eschola, ca. 1200, sans doute rien à voir avec l’école mais origine germanique), drôle de nom pour un village. C’est là qu’est installée la maison Faune-Flore dont nous a parlé l’office du tourisme. Il n’est pas encore 10h, elle est donc fermée : c’est une maison thématique du Parc naturel régional du Massif des Bauges consacrée à la faune et à la flore avec organisation de sorties accompagnées, conférences et expositions temporaires (visites guidées) sur le thème de la nature.
Sur la place, deux panneaux attirent le regard : une immense photographie de Léon Eymonier représentant une scène de rue à Ecole : toutes les femmes sont dehors, la grande lessive dans le lavoir se prépare ; en arrière-plan, on voit l’eau qui coule et un battoir dans un baquet. L’autre m’accroche par son titre : « le martyre d’Ecole ».
A l’annonce du débarquement, les allemands investissent le village d’Ecole. Durant leur première expédition ils incendient 32 maisons et tuent 2 journaliers à Sainte-Reine. Le lieutenant Butin des FFI est fusillé le 8 juin. Les 4 et 5 juillet, 25 hommes sont abattus ; le conseil municipal d’Ecole refuse de dénoncer quiconque aux allemands. Le 6 juillet un dépôt de munitions est découvert, un père de famille qui ravitaillait les résistants est arrêté. A 15 heures les habitants sont rassemblés sur la place de l’église. Le maire est abattu alors qu’il se rend à l’église, les 10 hommes arrêtés le matin subiront le même sort. Le capitaine Heinson qui avait refusé qu’on leur donne l’absolution, ordonne qu’ils soient enterrés sans prière.
En traversant le village, je passe près de plusieurs maisons aux balcons accrochés sous les avancées des toits des granges ; ils servaient à faire sécher le bois de chauffage et de cuisine, le petit bois bien lié en fagots pour allumer le feu et le gros bois fendu en bûches pour chauffer les maisons, car les hivers sont longs et rigoureux. Parfois, le bois utilisé pour soutenir le balcon est naturellement coudé : dans les pentes des montagnes, lorsqu’un jeune arbre pousse, la neige le couche chaque année et à chaque printemps, il se redresse mais en gardant la forme coudée, ce qui fait qu’avec l’âge, il possède une belle crosse. C’est ce que les Savoyards appellent tavalans. Extrait du site officiel de la Compote ; sur ce site vous pouvez voir un flipbook avec plein de tavalans.
Un abreuvoir, une croix de mission (reconquête des paroissiens après la révolution, 1860) à la sortie ouest du village puis voilà le GR qui s’annonce par un vétuste panneau de bois. Pas un grand GR, visible et bien entretenu, mais un GR de pays couvert d’herbe, une sente balbutiante et peu piétinée. Un peu plus loin, c’est un GR couvert de gros cailloux de toutes tailles.
J’entre maintenant dans le bois de la Fullie humide plutôt clairsemé. Je n’entends aucun oiseau chanter : le silence devient pesant, presque anormal. Et cette impression d’absence de vie s’est répétée presque chaque jour. Pourquoi n’entend-on pas les oiseaux ? la montée est longue, les cailloux au sol recouverts de mousse, les arbres torturés ont parfois des formes bizarres, beaucoup ont été abattus sans doute par le vent. Pas question de déranger l’araignée qui a tissé une belle et large toile d’araignée couverte de rosée entre deux arbustes.
Dans cette immense forêt, au milieu d’une petite clairière, une maisonnette ronde, improbable construction au milieu d’un endroit plat, surgit. Pas de croix au dessus de son toit et pourtant il s’agit d’une chapelle dédiée à Saint-Bernard de Menthon, le patron des montagnards.
Oratoire construit par les moines chartreux d’Aillon vers 1200, puis relais de poste fermé par une porte en fer, ce monument est aujourd’hui une chapelle dédiée à Saint-Bernard qui a fondé les hospices du Petit et du Grand Saint-Bernard. En 1869, le curé d’Ecole-en-Bauges a ajouté une rotonde au toit conique hexagonal, qui embrasse l’ancien oratoire dans son mur. Les deux auvents ont été supprimés en 1936 et des travaux entrepris par Angelo Zanetti. Jusqu’en 1970, les Compotais ou les Ecoulans tournaient la statue en bois de Saint-Bernard vers leur village pour implorer la pluie ; la légende assure que la statue était alors animée d’étranges torticolis ! un bataillon de chasseurs alpins a recouvert la chapelle d’un nouveau toit d’ardoise vers 1974. En 1996-1997, l’artiste Jean Perrier a ajouté une belle décoration intérieure polychrome composée de quatre tableaux de style naïf évoquant la vie campagnarde dans les Bauges. Les Bauges: terre d’art sacré, Françoise Dantzer, Fontaine de Siloé (La), 2005
Le mystère de S. Bernard de Menthon / publ. pour la première fois d’après le manuscrit unique appartenant à M. le comte de Menthon, A. Lecoy de La Marche, Firmin Didot et Cie (Paris), 1888
Bref repos sur la chaise présente au milieu de la chapelle ; après avoir signé le livre d’or avec grand plaisir, je poursuis la montée dans le bois de la Fullie, bien vert, humide ; des champignons parasitent parfois les arbres ; je me suis demandée si ceux de la photo ci-contre étaient vraiment des champignons : quand je les ai touchés de la pointe de mon bâton de randonnée, ils étaient durs comme de la pierre…
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