Une randonnée totalement en sous-bois, le plus souvent humide : le Clergeon ne se situe pas dans les Bauges mais dans l’Albanais, région à la frontière avec le parc des Bauges. C’est une des fiches ‘balades & randonnées en Albanais’ vendue à l’office de tourisme de Rumilly.
Depuis Rumilly, la route tourne beaucoup ; elle traverse le village de Moye (prononcez Mo-ye, [mɔj]) ; son église haut perchée contient un chœur de granit décoré d’une représentation stylisée de la Cène par le sculpteur Robert Ramel. Le parking du côté gauche de la route est vide ; une brume légère enveloppe les arbres : il est 8 heures.
Parking en bordure de route où quelques places sont matérialisées ; une piste forestière avec barrière bordée de quelques panneaux de sentier botanique mène au parking du camp III.
Premier arrêt au camp de jeunesse 3 ‘Hurlevent’ du chantier de jeunesse n°7 nommé « le fier » (commissariat régional Alpes-Jura), seconde guerre mondiale ; côté droit, un long mur de béton a été construit : est-ce le soubassement d’un bâtiment construit en dur et partiellement détruit ? côté gauche, les seuls vestiges sont deux anciens fours à charbon de bois. De vagues traces de sentes quadrillent l’espace.
[…] Vichy organise les Chantiers de jeunesse. Il s’agit d’un service militaire de 8 mois, destiné aux jeunes hommes de 20 ans, qui vise, à travers une vie saine au contact de la nature, à leur donner une formation morale et virile. Extrait de Savoie-archives.fr
Le chantier de Rumilly, le Fier :
- Créé le 17 août 1940, dissous le 9 août 1943
- 10 camps dans la forêt du Clergeon, 2500 hommes, pour la plupart de jeunes Alsaciens et Mosellans expulsés ou évadés de nos départements de l’Est, annexés par le Grand Reich allemand ; une patrouille = 20 jeunes ; 10 patrouilles = un groupe dans un camp
- Les premiers chefs sont de jeunes officiers qui ont délibérément quitté l’armée. Chef du chantier du Fier : Pierre Philippe, appelé par le général Joseph de la Porte du Theil ; biographie par M. Gérard Sshnitzler lors de son oraison funèbre
- Devise : « Il faut que France continue »
- Après des camps de toile, ils ont vécu dans des baraques en bois qu’ils ont construit eux-mêmes
- Leurs missions : le matin, travail avec des forestiers pour produire du charbon de bois ; aménagement de la route qui mène au sommet du Clergeon et fait la jonction avec la route venant de Chautagne ; après-midi : formation physique et morale du jeune appelé.
- Une équipe travaille à la rédaction d’un journal : l’Echo du Clergeon, dans lequel sont relatés des incidents avec les agriculteurs de l’Albanais.
En juin 1943, le chef d’un camp de maquisards demande à un groupe de jeunes des chantiers qui est de sortie, de les rejoindre. Devant leur refus, les jeunes sont dépouillés de leur matériel et de leur nourriture. Enrôlés par le gouvernement de Vichy, sans doute sont-ils considérés comme des traîtres…
Chronique de la Haute-Savoie pendant la Deuxième Guerre mondiale: Tomes 1 à 4, Michel Germain, Fontaine de Siloé (LA), 1999
La forêt sombre, humide, déserte et silencieuse – peu de chants d’oiseaux, comme je l’avais déjà constaté lors de mon séjour dans les Bauges en 2013 –, génère une atmosphère pesante… Pendant un long moment, le balisage de l’office du tourisme est doublé de celui des parcelles forestières numérotées sur les arbres : un moyen de vérifier qu’il n’y a pas d’erreur.
Une toile d’araignée en 3D ! je n’en ai jamais vue : suspendue à une branche, elle ressemble à un filet à provisions à fond plat renforcé. Je n’ai pas vu d’araignée ni de tube dans lequel elle pourrait se cacher mais je l’imagine grande, de la famille des Agelenidae, comme la tégénaire de nos caves.
Voici une fleur aux couleurs atypiques : le mélampyre (vaudois ?). Ce que j’ai pris pour la fleur est une bractée ; ses fleurs sont jaunes et ses bractées violacées finement dentelées. Les feuilles inférieures entières, les supérieures dentées à la base, se transforment progressivement dans l’inflorescence en bractées violettes, longuement dentées, triangulaires. D’après florealpes
Surveillez bien au point 1 sur la droite l’accès à la Grande Cuve, à peine visible. Quand vous serez à 300 m du lieu, cherchez le panneau explicatif sur votre droite. Pour mieux voir la profondeur de l’effondrement, ne pas hésitez à marcher jusqu’à son extrémité. C’est l’eau, chargée en gaz carbonique et devenue acide, qui dissout le calcaire.
Le calcaire est fendu de cassures verticales et cassures d’assise qui permettent à l’eau de s’infiltrer. Progressivement les fentes se transforment en avens (‘bétoires’) ; l’eau circule creusant de vastes grottes ; si le plafond de la grotte est proche de la surface, il s’effondre. La grande cuve en est un exemple.
J’ai décidé de faire l’aller et retour jusqu’à la croix du Clergeon. A un carrefour de pistes (2), une belle borne blanche quadrillée de rouge avec une croix rouge de chaque côté sépare la Savoie de la Haute-Savoie. Il y en aura plusieurs en chemin.
Un spécimen complet de four à charbon de bois est posé sur le côté droit, pour rappeler l’activité dans la forêt du Clergeon. C’est un chemin rural beaucoup plus praticable qui mène à la croix de Clergeon ; bientôt il longe un champ, traverse un hameau de MontClergeon puis s’élance durement à l’assaut du sommet à travers les pâturages. La dernière partie du sentier se divise en deux voies : préférez celle de droite qui est d’ailleurs balisée de panneaux directionnels jaune-vert.
La croix du Clergeon, modeste croix de bois usée, n’a pas été plantée au point culminant ; une table d’orientation présente les sommets que je devine sous la pluie. Je n’ai pas le temps d’attendre que le soleil se lève : je redescends jusqu’au point 2.
Plus facile qu’à l’aller, le retour par la Montagne, tout en descente, est d’abord jalonné de bornes blanches peintes de rouge dont la 12 portant les initiales JR : que séparent-elles ? une forêt domaniale et une forêt communale ? il traverse le bois de Ruffieux puis celui de Serrières qui a été pavé. Faut-il s’inquiéter de ce panneau domaine privé circulation aux risques et périls des usagers ? apparemment non. Je vérifie : je suis bien sur le circuit décrit ; cela vient sans doute du statut juridique des chemins ruraux appartenant au domaine privé de la commune mais affectés à la circulation publique.
Un court instant, s’ouvre au soleil une fenêtre sur le Rhône et le Grand Colombier mais une ligne à haute tension hélas barre le paysage. A ses pieds coule le Rhône. A mes pieds, un amas important de crottes noires sans odeur particulière signale sans doute le passage d’un chevreuil qui s’est nourri dans le champ tout proche.
La surprise qui m’attend alors est de celle que je déteste : une longue montée en fin de randonnée, à travers quelques champs, puis en forêt de plus en plus humide, par le chemin rural des mulets. Les pierres, couvertes de mousse, jouent parfois avec les rayons du soleil qui parviennent à passer à travers les arbres. Je repasse en Haute-Savoie.
Je retrouve enfin le parking du camp III, puis celui sur la D231 à 13h, ce qui en fait un parcours plus long qu’annoncé.
Image de l’itinéraire 12km900, 282m dénivelée (+458, -458), 4h10 déplacement (5h00 au total). La fiche annnonce 3h20 niveau moyen, peut-être sans compter la route forestière du début et l’aller-retour à la croix du Clergeon.
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Bonjour Nicole,
Mais te voilà dans le grand Nord ! Bienvenue. De plus, tu visites un coin où je n’ai jamais mis les pieds… Je note l’idée pour une prochaine 1/2 saison.
Les panneaux « domaine privé circulation aux risques et périls des usagers » couvrent le propriétaire en cas d’accident de l’usager. En règle générale, ce sont des droits de passages et ils ne sont pas interdits.
Merci bien pour cet article je l’ai lu avec passion.