** Oppidum et dolmen, au départ de Lussas

Il fait encore plus chaud que la veille mais j’ai tellement envie de faire cette boucle qui me replonge des centaines d’années en arrière que je n’hésite pas à partir pour Lussas. C’est Evelyne, qui tient un gite labellisé Rando Accueil Ardelyne, qui m’a conseillé cette randonnée quand je lui ai demandé s’il y avait des mégalithes en Ardèche. Elle m’a laissé le guide complet de randonnées Berg-Coiron et ses fiches descriptives ; le grand avantage de ce type de gite c’est que tout est conçu pour le randonneur : un petit-déjeuner inclus, un hébergement tranquille, simple mais confortable, de la documentation en abondance sur les randonnées et les buts de visite (l’absence de connexion internet ne m’a donc pas manqué… sauf pour relever les coordonnées des 3 caches de geo8707 sur le parcours), des conseils par une personne qui a testé les randonnées, des pique-nique bio confectionnés à la demande.

A 9h15, il n’y a plus qu’une place libre sur le parking du village. Que se passe-t-il donc ? les états généraux du film documentaire qui commencent dans deux jours !

La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

IMG_9498.jpgLes explications de la fiche et le balisage jaune-blanc sont au départ bien suffisants. La route longe les vignes : oui, l’Ardèche fournit d’excellents vins de pays en Indication Géographique Protégée ! Après un passage en sous-bois, je rejoins l’ancienne route qui relie Aubenas à Saint-Laurent, puis, à l’intuition (pas d’indication claire sur la fiche), je délaisse la large piste pour un étroit sentier dans la même direction ; IMG_9501.jpgIMG_9506.jpgà nouveau sur la gauche, je rejoins le sentier en balcon qui domine les gorges de la Louyre2. Dans le ruisseau, une écrevisse à pattes blanches s’efforce de survivre. Le sentier passe en balcon au dessus des gorges me laissant le temps d’observer un groupe de grimpeurs à l’assaut d’une paroi. Au loin la ville d’Aubenas.

Une variante visible à droite du sentier sur la carte IGN, vous mènera à la baume Chabanne connue pour héberger une colonie de chauve-souris.

… tous les jeunes sont autonomes, vers la Baume Chabanne, exutoire d’une rivière souterraine […]. Depuis 1991, la colonie occupe seulement ce dernier site et la parturition4 (jeune non volant) y a été constatée en juin 1992. Evolution des populations de chiroptères dans le département de l’Ardèche entre 1953 et 1992

IMG_9518.jpgAu lieu-dit l’Echelette3, descendez la D259 par la droite ; le chemin reprend sur le plateau à gauche, après le virage : un grand panneau d’information sur Jastres en indique le début. Le plateau calcaire dénudé était autrefois cultivé et pâturé. Après une période d’abandon, il est parait-il de nouveau valorisé par les éleveurs mais je n’en ai pas trouvé trace. La chaleur est maintenant difficile à supporter ; un randonneur qui revient de l’oppidum me souhaite bon courage. IMG_9530.jpgAu loin, l’oppidum de Jastres Nord (de type éperon barré) affiche sa large et impressionnante façade, dégagée en 1978 sur plus de 400m de long.

Jastres l’oppidum par geo8707

Le rempart rejoint le bord de la falaise qui domine la rivière Ardèche en un à-pic de 130m. Avec ses sept tours, carrées ou rondes reliées entre elles par onze courtines, une entrée en chicane, c’est l’oppidum le mieux conservé que j’ai jamais vu. IMG_9525.jpgIl a été occupé durant à peine un siècle avec des modes de construction protohistoriques et une influence romaine (utilisation de mortier, tours rondes couvertes de tuiles). le long des murs, on a retrouvé une grande quantité de galets, boulets de basalte ou granit destinés à se transformer en pierres de jet : témoignage du rôle défensif de l’oppidum. Claude Lefebvre situe son occupation vers le 1er siècle avant J.-C.

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Claude Lefebvre, Bilan des fouilles des oppida du plateau de Jastres, Ardèche archéologie, 1985

Dans les pas de Cévennes Terre de Lumière, à la découverte du patrimoine vivarois, hors-série, Cévennes terre de Lumière, Aubenas, juillet 2002

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*** Les balmes de Montbrun, habitations troglodytes creusées dans un volcan

Sur les conseils d’Evelyne et Patrick qui nous accueillent à Darbres (Ardèche) dans une chambre d’hôtes Ardelyne pour un week-end châtaignes, nous programmons la randonnée jusqu’aux balmes1 de Montbrun, hameau de Saint-Gineys en Coiron ; en 1842 elles s’appelaient encore balmes de Montbrul, sans doute à cause de l’origine volcanique et brûlante du lieu. La dénomination était plus significative qu’aujourd’hui. Parmi les deux accès conseillés (à partir de Saint-Jean le Centenier ou de Saint-Gineys), nous prenons le second, un peu plus difficile mais plus varié. Il est bien balisé dès le départ.

IMG_0630r.jpgUn vent froid nous oblige à enfiler le coupe-vent et nous fait hésiter. Un autre marcheur renonce. Nous partons de l’église de Saint-Gineys (site Inforoutes de l’Ardèche : Saint-Gineys) dont la façade est dissymétrique. L’aviez-vous vu ?

…Elle daterait du XIIème siècle et aurait été modifiée aux XVIIIème et XIXème siècles. …l’abside semi-circulaire, beaucoup plus basse que la nef, avec sa fenêtre étroite largement ébrasée, semble bien avoir traversé les siècles sans dommage. Il en est de même de l’intérieur […]. On peut voir, à gauche de la fenêtre de l’abside, deux pierres gravées d’étoiles à six branches, qualifiées par les spécialistes de «rosaces carolingiennes». Extrait du site Patrimoine d’Ardèche

IMG_0658r.jpgIMG_0641r.jpgLe sentier ressemble à une calade grossière ; il longe des pâturages où paissent d’impressionnantes vaches blanches que mon compagnon de route se complait à photographier. Puis le sentier descend, descend de façon continue jusqu’à la rivière. Il est jonché de châtaignes dont certaines, grosses et régulières, seraient dignes d’être transformées en marrons glacés. Tout en bas, la passerelle au-dessus de la Claduègne n’a qu’une balustrade que je brinquebale rien qu’en y posant la main. A gauche, c’est le vide. Puis c’est la remontée, avec un pas difficile juste avant la route, des marches d’une hauteur à faire frémir un mollet sensible. Nous remontons dans les sous-bois puis le dernier kilomètre se fait tranquillement en terrain plat. La première cache Les balmes de Montbrun par geo8707, ne nous résiste pas longtemps.

IMG_0695r.jpgL’arrivée sur le point dominant me laisse bouche bée. Formé par d’importantes accumulations de bombes et scories, le site a été en partie détruit par l’érosion. Dans le cirque à mes pied, les grottes creusées par l’homme dans les parois d’un ancien volcan, constituent un véritable village. Les marnes et les calcaires ont été rapidement érodés : il y a eu inversion de relief comme pour le volcan de Sceautres. « On dirait les casiers d’une ruche colossale » lit-on dans le Dictionnaire géographique et administratif de la France et de ses colonies, sous la direction de Paul Joanne, Hachette (Paris), 1890-1905

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« C’est Faujas de Saint-Fond, ingénieur des mines et responsable de la première chaire de Géologie du Muséum de Paris qui attira le premier l’attention du monde scientifique en 1778 sur le Coiron. Il […] identifia même divers fragments de poteries antérieures au Moyen-Age. Les hommes avaient en fait profité de ce lieu retiré pour creuser des habitations dans les scories volcaniques. A noter que ce lieu fut aussi un refuge important lors des guerres de religion. » Musée fossiles, les balmes de Montbrun

IMG_0680r.jpgIMG_0693r.jpgPendant que Ti’Mars… joue à chercher la earthcache Les Balmes de Montbrun, par team pompierke, je descends lentement jusqu’à la chapelle troglodyte Sainte-Catherine ; le sentier abîmé par l’eau est glissant et peu commode. Ouverte, construite dans un cône de scories, elle accueille le visiteur dans un tout petit espace ne pouvant contenir plus d’une quinzaine de personnes. IMG_0677r.jpgUne petite fenêtre donne sur l’extérieur ; sur l’autel, entouré de fleurs de tournesol, sont négligemment posés quelques écrits philosophico-religieux qui, selon moi, ne devraient pas s’y trouver. Depuis les balmes, on pouvait la rejoindre en empruntant la brèche qui servait de fossé au château. C’est ce que fit autrefois le Dr Francus.

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Dans Voyage autour de Privas / par le Dr Francus, Mazon Albin (1828-1908), Impr. de Roure (Privas), 1882, le Docteur Francus […], accompagné de son ami Barbe, raconte sa rencontre avec les derniers habitants des balmes, l’abbé Brochory qui se nourrit pour ’10 centimes de pain et une tome par jour’, et une famille pauvre très âgée qui a une fille aveugle d’une cinquantaine d’années ; c’est elle qui les conduit jusqu’à la chapelle en empruntant une brèche qui sert de fossé au château ; cette brèche est coupée au milieu par un mur de lave laissant supposer qu’elle était surmontée d’un pont-levis en bois.

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*** Le tour du volcan de Sceautres

vue_neck.jpgJ‘ai honte de l’avouer mais je ne savais pas qu’en Ardèche il était possible de voir d’anciens volcans ; celui de Sceautres ressemble assez à l’idée que je me fais d’un tel phénomène géologique. C’est un énorme bloc noir aux formes disgracieuses planté au milieu d’un paysage de verdure. Le Coiron est le plus vaste relief inversé de France, « une enclave du massif central en pays méditerranéen », comme disent les spécialistes du paysage.

le massif du Coiron, site natura 2000

IMG_2954Nous visitons Sceautres lors d’un long week-end châtaignes dont je vous parlerai plus longuement dans une autre note. Mais vous pouvez déjà savoir que ce week-end en chambre d’hôtes, conjuguant randonnée et activités autour de la châtaigne, est de loin le plus copieux (au sens propre comme au sens figuré…) et le meilleur rapport qualité-prix parmi ceux que j’ai vécus. Nous étions chez Evelyne et Patrick à Darbres.

Voir leur site (agriculture bio, labels clé vacances, rando accueil) Ardelyne

Le village de Sceautres est désert. Un vent froid souffle ; le seul villageois présent sur la place de la mairie nous indique le chemin géologique qui fait le tour du Rocher, balisé de 16 points de repère numériques ; mais nous ne pouvons récupérer aucune documentation aujourd’hui : tout est fermé.

IMG_2955IMG_2951.JPGAprès la partie de geocaching La cheminée du volcan, cache posée par Totophe, nous passons sur la passerelle sur le ruisseau de Téoulemale, et empruntons le chemin qui monte vers un pâturage : de là, nous pouvons voir dans la partie médiane, des prismes étroits, tordus, mais solidaires les uns des autres. Demi-tour pour continuer le tour du rocher et rejoindre le village construit au pied du rocher et même dans le rocher. De toutes petites plantes grasses poussent dans le creux de ceux-ci formant un tapis de couleurs d’automne. Le sol est dur et irrégulier, mais non friable : la seule difficulté, c’est bien la petite dénivelée.

IMG_2957.JPGLes maisons sont construites de pierres volcaniques sombres assemblées avec un enduit blanc, ce qui crée un fort contraste caractéristique des constructions bicolores de l’architecture du Coiron.  Le village qui se trouve au pied montre encore des restes de l’enceinte dont une porte de la fin du moyen-âge.

schema_sceautr.jpgIl y a 8 millions d’années les volcans ont rempli de lave la vallée, sous la forme d’une couche de basalte très dur. Puis l’érosion par l’eau a dégagé la vallée actuelle, usant les marnes alentour moins dures que le basalte ; le relief s’est inversé : ce qui était en-dessous est maintenant au-dessus ! : le plus gros neck2 d’Europe (ancienne cheminée volcanique, mise en relief par l’érosion) est apparu avec ses gigantesques orgues1 basaltiques et une multitude de filons de roche magmatique dégagés par l’érosion (dykes3). 8 millions d’années – longueur, largeur : 250 x 200 mètres – hauteur : 133m – altitude : 543 mètres

Sceautres, histoire, géologie

IMG_2958.JPGIMG_2961.JPGImg_2965.jpgNous montons voir la Vierge moderne qui a été placée en haut de la cheminée. Une rambarde a été placée du côté droit. J’abandonne mes bâtons de randonnée pour mieux m’y accrocher. Aucune roche n’est plate mais aucune ne bouge : il n’y a donc pas de risque particulier. De là haut, nous dominons le village. Pour faire la earthcache le volcan de Sceautres par D’n dolende duffe, nous nous faisons photographier au pied de la Vierge à 543m d’altitude : c’est une des trois règles du jeu à respecter. IMG_2964.JPGUne chaise non fixée au sol a été placée sur le piton en face : avis aux amateurs de sensations !

 

Voir le parcours sur la carte satellite

(2.400km, 50mn déplacement, dénivelée 166m)

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Img_29501orgues volcaniques : les orgues se forment par rétraction de la lave en fin de refroidissement. Il y a alors diminution de volume liée à la solidification totale de la coulée. La prismation qui se forme s’effectue perpendiculairement aux surfaces de refroidissement. Il en résulte des orgues verticales pour une coulée horizontale. L’hexagone correspond à l’expression géométrique traduisant au mieux la répartition des déformations et le relâchement des contraintes de retrait. C’est pourquoi les prismes volcaniques sont hexagonaux. Extrait du site Eduscol
2neck : (n. m.) mot anglais signifiant : cou […] Souvent laissé en relief par l’érosion, le neck, dont le diamètre va d’une dizaine à quelques centaines de mètres, correspond au remplissage d’une ancienne cheminée volcanique (de là découle sa forme en piston cylindrique, conique) par une masse de roche magmatique, généralement bréchique (brèche). Extrait du geowiki de geoforum
3dyke : un dyke (ou dike) est une lame de roche magmatique qui s’est infiltrée dans une fissure à travers différentes couches de roche. L’épaisseur d’un dyke peut varier de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres mais sa longueur peut atteindre plusieurs kilomètres. Avec l’érosion, un dyke peut se retrouver isolé des roches l’entourant et ainsi former un mur. Définition extraite du site futura sciences