Brume du Vercors (suite et fin)

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Quelques commentaires sur le site bivouak.net

(Toutes les photos ont été prises en temps réel dans le feu de l’action)

Un an après le sauvetage, en Juillet 2006, Chiemi & Kévin sont au Japon et, comme toujours pendant leur absence, je parcours les montagnes du Vercors et des Ecrins. Ce matin là, je pars tôt, pour gravir la Balme et rejoindre le pas Ernadant hors sentier. Sur mon chemin, la cabane de Combeauvieux, celle de Cyril, le berger. Quand j’y arrive, les chiens viennent vers moi en jappant, je les caresse puis j’entends le berger qui, une centaine de mètres plus bas, les appelle. Ils n’obéissent pas et cela a l’air de l’agacer sérieusement, il ne me regarde pas, ne me parle pas.

Timidement je l’interpelle en mettant mes mains en porte voix : « Bonjour, c’est moi qui vous ai ramené un agneau l’an dernier dans le brouillard ! ». A ma grande surprise, il se met à courir vers moi en hurlant « Elle est vivante, elle est vivante !!! ». Je ne comprends pas tout de suite de qui il parle car, pour moi, l’agneau est mort et en plus, il utilise le féminin. Il arrive vers moi, me prend la main qu’il serre vigoureusement et me dit tout essoufflé : « C’est une belle petite brebis, elle est vivante, venez dans ma cabane, on va prendre le thé, je vais tout vous expliquer… »
Cyril est un véritable personnage : ethnologue de formation, berger l’été et marionnettiste l’hiver, ce n’est pas banal !
Il m’explique tout :

Ce qui l’a sauvée, cette brebis, c’est qu’elle était vraiment trop mignonne. Le lendemain de son sauvetage dans le brouillard, deux pisteurs de Villard-de-Lans sont passés, je leur ai raconté son histoire et ils se sont tout de suite attendris sur elle. Comme vous, ils m’ont demandé d’essayer de la nourrir et, dés le lendemain, ils remontaient pour me donner biberons et lait maternel achetés par leurs épouses. Elle était tellement mignonne… J’ai donc commencé à la nourrir au biberon, il me fallait lui donner un nom et, vu les conditions dans lesquelles vous l’aviez trouvée, j’ai tout simplement choisi « Brume ».

Il continue son histoire :

Quelques jours plus tard, j’ai trouvé le cadavre de celle qui devait être sa mère. Brume est donc devenue une mascotte qui répond à son nom presque comme un chien, elle est adorable et très gourmande. Elle nous sert pour guider le troupeau dans les endroits difficiles. Elle a un statut très spécial puisqu’elle se situe entre le chien et la brebis. Elle a encore échappé plusieurs fois à la mort, l’an dernier 30 brebis ont été foudroyées par un seul et unique coup de foudre, elle était juste à coté. Elle a ensuite pris une maladie et a encore failli y rester. En ce moment, elle n’est pas dans mon troupeau, vous ne pourrez pas la voir, elle se trouve dans le troupeau de Christelle sur le plateau du Cornafion.

La nouvelle est incroyable, je suis vraiment très surpris et très heureux de la tournure des évènements, j’imagine la joie de Kévin & Chiemi quand il vont apprendre ça…
Il nous faut absolument la revoir !
Plusieurs fois en 2006 et en 2007, nos tentatives se solderont par des échecs : orages pendant l’ascension ; localisation du troupeau impossible ; arrivée trop tardive dans la saison, elle avait quitté les alpages, etc.

En juillet 2007, deux ans après le sauvetage, nouvelle tentative : je suis seul et je décide d’aller trouver une fois de plus Cyril, cette fois dans un autre endroit, la bergerie de la Fauge ou il estive avec Christelle. Habituellement, il monte tous les jours voir son troupeau sur l’alpage situé sous le roc Cornafion à près de 2000 mètres d’altitude mais aujourd’hui, c’est dimanche et il a des invités, je lui propose donc d’y monter à sa place et c’est devant un bon café qu’il m’explique par ou passer car il n’y a aucun sentier et la pente terminale est très raide… Il me prévient que Brume répond bien à son nom quand elle est dans la vallée ou en bergerie mais qu’il n’en est pas de même en alpage et surtout avec un inconnu, il est certain qu’il me sera impossible de l’identifier et encore plus de l’approcher mais il m’en fait une description précise au cas ou…
Quand j’arrive sous le roc que je connais bien puisque je l’avais escaladé l’année précédente, je repère tout de suite le troupeau qui s’abrite sous un porche naturel taillé dans la falaise. Ne sachant pas trop comment procéder, je m’approche doucement sans grand espoir en appelant  » BrumeBrumeBrume… ».

 

Tout le troupeau m’observe craintivement puis, quand je suis à 10 mètres environ, la grande majorité des brebis se détourne et marche doucement dans la direction opposée pour me fuir. J’approche encore un peu en continuant d’appeler Brume, les dernières téméraires cèdent aussi à leur instinct et me tournent le dos pour s’éloigner de moi sans hâte. Toutes…. sauf une ! Elle reste là, elle me regarde et semble captivée par ma voix. Je n’ose y croire….

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Brume du Vercors : une histoire rando-pastorale (1ère partie)

(Toutes les photos ont été prises en temps réel dans le feu de l’action)

Fin août 2005, c’est la fin des vacances d’été et nous partons tôt le matin pour une balade en montagne, objectif : le refuge de la combe de fer et sa grotte que je connais bien. Nous pénétrons dans le gouffre avec mon fils Kévin, je le guide jusqu’à moins 90 mètres à la lueur des lampes frontales.

Une heure plus tard, nous retrouvons la lumière du jour et ma femme Chiemi qui nous attend sagement en soignant le petit lérot blessé que nous avons trouvé en arrivant.

A la fin du pique nique, je les convaincs de tenter de rejoindre le pas de la Balme par la montagne sauvage, en traversant un versant appelé « les chaudières », une randonnée hors sentier comme je les aime. Pendant que nous escaladons les lapiaz impressionnants et les pierriers de la tête des chaudières, j’ai une petite inquiétude : Le plafond nuageux est dense et pas très haut, j’estime son altitude à peu près égale à celle de notre objectif ou nous retrouverons un sentier, je leur demande d’avancer le plus rapidement possible car je crains une descente soudaine du plafond.

Alors que nous sommes occupés par l’observation de marmottes, les nuages épais nous enveloppent soudainement. En quelques secondes, la visibilité se réduit à quelques mètres, toute orientation visuelle est définitivement impossible, c’est impressionnant et Chiemi manifeste quelques craintes. Mais je connais bien le secteur et j’ai une boussole dont je sais me servir, alors nous commençons notre progression en aveugle.

Nous sommes prisonniers de cet épais brouillard depuis une bonne heure quand un petit cri parvient jusqu’à nous. Nous sommes surpris car il déchire littéralement le lourd silence dans lequel nous évoluons. Nous ne l’identifions pas immédiatement.

Nous nous arrêtons pour écouter plus attentivement, et nous reconnaissons un frêle bêlement. Nous venons d’arriver dans les premières prairies d’alpages : « Peut-être le troupeau de Combeauvieux » me dis-je tout de suite. Mais c’est impossible ! Le troupeau, ce sont des centaines de têtes et des dizaines de clochettes, c’est très bruyant. En fait, il n’y a de toute évidence qu’un seul et unique animal qui parait nous avoir entendus et qui bêle frénétiquement dans notre direction. Ma boussole retrouve ma poche et c’est ce son qui devient mon guide… A quelques mètres de nous une petite tache blanche perce le brouillard, je m’approche et me trouve face à un petit agneau sous lequel pend encore son cordon ombilical.

Il est trop mignon, notre instinct nous pousse à le prendre immédiatement dans nos bras pour le câliner et le protéger mais je m’y oppose formellement car ce geste d’amour pourrait devenir une irrémédiable condamnation à mort (On appelle cela le syndrome de Bambi : Dans un élan d’affection, vous prenez un animal sauvage qui vient de naître dans vos bras, quand vous le rendez à la nature, sa mère qui ne l’identifie qu’à son odeur ne le reconnaît plus, elle l’abandonne et il meurt de faim… Le même phénomène peut se produire avec les brebis durant l’estive en montagne).

Quelque chose n’est pas normal, je ne comprends pas comment un agneau peut se retrouver dans cette situation, à cette époque de l’année, seul en montagne, perdu dans le brouillard. Je demande à Chiemi & Kévin de rester avec lui sans le toucher et je commence à décrire une spirale autour du nouveau né, je m’éloigne d’eux de plus en plus, je les perds de vue rapidement mais je continue à chercher désespérément une brebis tout en sachant que si le troupeau était à moins d’un kilomètre, je l’entendrai forcément. Je dois me rendre à l’évidence, il est vraiment seul. Guidé par les bêlements du petit, je le rejoins et cette fois, je donne l’autorisation de le caresser…

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