Le terril des Argales à Rieulay

Pour le dernier jour où il est possible de se promener, Claire m’emmène sur le terril1 de Rieulay ; quand j’étais enfant, autour de Lens, j’en voyais depuis l’autoroute, en forme de cône noir dénudé mais je ne m’en étais jamais approchée. Après extraction du charbon, les stériles ainsi accumulés caractérisent le paysage minier. Celui de Rieulay, un terril plat, après soixante ans d’exploitation minière est le plus grand terril du Nord par son emprise au sol. Installé sur d’anciennes tourbières, sous son poids, il s’est enfoncé, atteignant l’eau de la nappe phréatique : un espace naturel de 140 ha est né.

L’album photos

Le terril 144 ou Rieulay est un terril plat de schistes noirs et rouges. C’est un terril de concentration notamment de la fosse De Sessevale. Caractéristiques  135.68 ha, 20 500 000 m3 et 17 m de hauteur. Association pour la Pérennisation du Patrimoine Historique et Industriel Minier

Nous ressentons tout de suite la volonté du département d’en faire un lieu naturel et écologique ; un panneau d’information avec le plan des promenades précise le pourcentage des quelques pentes tant cela est rare dans le nord… ; des bancs de bois grossièrement taillés se trouvent le long du sentier.

Un panneau « arrêt interdit », comme celui qu’on peut voir près des aérodromes, m’interpelle car il est titré ‘point d’aspiration’. Sur cette aire d’aspiration, un poids lourd doit pouvoir s’arrêter pour aspirer l’eau et remplir un réservoir en cas d’incendie.

L’aménagement d’un point d’aspiration en milieu naturel permet de disposer d’une capacité hydraulique en rapport avec le risque à défendre dans les secteurs où les réseaux d’adduction d’eau sous pression sont insuffisamment dimensionnés. SDIS89

Peuplés principalement de bouleaux verruqueux, à l’automne, on y découvre d’innombrables amanites tue-mouche, champignons toxiques vivant en symbiose avec le bouleau.

En regardant le plan d’eau, le ciel bleu et ses effilochées de nuages blancs, il est impossible de savoir que cet espace se trouve dans le nord de la France. Sur l’autre rive, le terril ondule en grosses bosses irrégulières avec un observatoire à son sommet. Les canards s’approchent, sans doute habitués à être nourris.

Au sol une plaque marquée HOLEBALL ; je découvre aujourd’hui que c’est un nouveau sport nature qui se joue au pied avec un ballon de 250 grammes maximum, que l’on doit faire tomber dans de grands trous en un minimum de coups. A Rieulay, le parcours a une longueur de 1300 mètres du point de départ du jeu jusqu’à la fin de la partie. La distance des trous est variable de 15 à 80 mètres. Le plan du jeu, Les règles du jeu

Sur un pont qui nous sépare d’un petit étang intérieur, une foulque s’approche rapidement grâce à ses doigts lobés, au cri fort de ‘kix kix’ ; elle plonge brièvement sous nos yeux pour se nourrir puis repart.
Le fond de l’étang est couvert de petits coquillages ; est-ce possible que ce soit de petites moules ou qu’ils aient été jetés là… ?

A notre droite, on peut observer une partie du terril (n°144) de poussière noire et fine, pentu, végétalisé, parfois parcouru par quelques sentes.

Ce terril est issu de l’exploitation du charbon des fosses Lamay, de Sessevalle, de Barrois et puis du Lavoir de Somain.
Parfois les terrils peuvent entrer en combustion, comme ce fut le cas pour le terril des Argales [… et] les terrils antérieurs à la mise en place des lavoirs. Elle résulte de l’oxydation de la pyrite (FeS2) en présence de l’oxygène de l’air et de poussières de charbon (poussier) qui entretient la combustion dès lors qu’il est enflammé, soit par la foudre, soit par une erreur de manipulation. CAUE Nord

Lors de la lecture de l’histoire des mines dans le nord, l’allusion à un lavoir est régulièrement mentionné après la seconde guerre mondiale. Pourquoi lave-t-on le charbon ? Pour le nettoyer de toutes ses impuretés. Et comment ?

Les grains, selon leur taille, sont orientés dans des bacs dans lesquels on crée des vagues d’eau : le charbon moins dense que les pierres, s’en sépare. Les plus petites particules – les schlamms – sont récupérées par décantation et envoyées, en général, vers les centrales thermiques. Ce  procédé technique basé sur le lavage des matériaux a permis de récupérer la quasi totalité du charbon contenu dans les terrils.

En 1946, trois lavoirs sont sur le site [Somain] traitent les charbons maigres des Fosses De Sessevale, LemayBarrois, […]. 9000 tonnes sont ainsi triées et lavées chaque jour.

La Mine de Sessevalle  […]  porte le nom d’Anatole de Sessevalle, Directeur de la compagnie de 1869 à 1902.
Le puits 1, Somain, 1901, pour exploiter des charbons maigres
Le puits 2 est ajouté en 1905 […] à 180, 290 et 325 m de profondeur.
En 1946,  à -180 et -290 m de profondeur.
En 1964, l’extraction se concentre sur les étages 265 et 415 m. […] Tous les schistes de la fosse sont déposés sur le terril de Rieulay proche. La fosse cesse d’extraire en 1970. Le puits 1, profond de 444 m et le puits 2, profond de 335 m sont remblayés en 1970. Les chevalements tombent en 1971. Il ne reste rien de la fosse. Résumé de la page de l’APPHIM

L’entrée dans le parc ornithologique est annoncé par un arbre en métal à une branche sur laquelle est posé un oiseau. Une roselière  et une vasière aménagées et protégées accueillent poules d’eau (front et bec rouges, court sur l’eau pour s’envoler), foulques (plaque frontale et bec blancs), canards colverts, pour l’une, bergeronnettes grises (cri ‘tsisik’), petits gravelots (collier noir, face noire et blanche, cercle jaune autour des yeux), hérons cendrés (bec en forme de poignard, ailes et dos gris-bleuté, vole lentement le cou replié) pour l’autre.

En haut d’un long escalier de bois, un observatoire donne sur la réserve ornithologique dont les berges sont interdites aux piétons ; les zones naturelles s’observent donc avec une paire de jumelles.

En retrouvant la piste après la descente de l’observatoire, à la lecture des panneaux illustrés, nous comprenons la formation du charbon, tant les images et les textes sont clairement expliqués : il y a 350 millions d’années sous un climat équatorial, la forêt meurt, formant une couche de débris ; les sédiments les recouvrent  ; le sol est transformé en roche (grès, schiste, charbon) puis le cycle se reproduit.

Nous arrivons maintenant à la plage artificielle de sable fin, propre et bien rangée. Bien que la saison d’été se prolonge, les canoës bien alignés attendent la prochaine saison.

Bonne idée que de faire traverser le GR 121  (appelé aussi  GRP bassin minier Nord-Pas-de-calais ou Voie Verte) dans la zone naturelle quand on se rend de Marchiennes à Pecquencourt. Les randonneurs auront peut-être une autre idée du Nord.

Pas le temps d’aller à la « Maison du Terril », écomusée qui propose de découvrir l’histoire du charbon et de la géologie mais je prends le temps de lire les grands panneaux à destination des touristes : le musée de la dentelle à Caudry, et la chicorée, qui a son musée à Orchies ; cela me rappelle des souvenirs de jeunesse, quand nous déjeunions le matin d’un bol de lait à la chicorée ou, plus tard, quand mon père ajoutait une cuillère à soupe de chicorée en grains sur le café moulu ; une tradition qui perdure.

Une balade nature, familiale, sportive ou culturelle sur un ancien site industriel : étonnant, non ?

Image de l’itinéraire 4km, 23 m dénivelée, 2h au total

1terril : (prononcer terri) : entassement de déblais stériles de forme conique, provenant de l’exploitation des mines et carrières.

©copyright randomania.fr


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