*** Le fort Peccais, une piste au bout du monde

fort peccais aerien.jpgPrononcer Peccaï, nom qui viendrait de Peccatius, ingénieur romain inventeur des premières techniques d’exploitation du sel. Et rétablissons la vérité : ce fort se situe sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-d’Aigouze et non sur celui d’Aigues-Mortes ! * Télécharger l’itinéraire depuis le centre ville

Une véritable aventure que cette balade en petite Camargue au fort Peccais dans les salines ausud d’Aigues-Mortes ! je ne le vois indiqué nulle part dans la ville bondée de touristes qui se disputent les parkings payants autour des remparts. Je prends la direction sud et m’engage sur une première piste où seul un homme promène son chien. Arrivée au bord des étangs, je ne trouve plus le moyen de progresser. Ce n’est pas la bonne piste. Je m’arrête une première fois pour demander mon chemin mais là encore, je ne trouve pas : je bute maintenant contre un champ et une propriété privée. Je questionne à nouveau un vieil habitant qui me donne quelques points de repère : le restaurant à consonance espagnole, la piste qui traverse une propriété privée mais que tout le monde ici a l’habitude d’emprunter.

Carnets de rando #2 Camargue, le fort Peccais (vidéo)

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Enfin ! je trouve la route bientôt prolongée par une large piste poussiéreuse, cahotique, longue de 7 kilomètres qui traverse marais, vignobles et canaux, découvrant parfois la surprise d’un oiseau de Camargue. Je roule avec ma voiture neuve qui inaugure sa première sortie. Dans le rétroviseur, je ne vois qu’un nuage de poussière mais devant, enfin, le fort de Peccais, au bout du monde.

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Bermond III d’Uzès, 7ème et dernier seigneur d’Uzès de 1285 à 1318, échange avec le roi de France Philippe le Bel, les salines de Peccais contre la seigneurie de Remoulins et autres lieux.


Dans le texte ci-contre traduit du latin, un étudiant en mèdecine Thomas Platter décrit ce qu’il découvre à Peccais vers 1595. Construit vers 1569, « [le fort] il se trouve au point de rencontre du canal du Bourgidou et du canal de « Peccais à Sylvéréal ». (Lors d’une crue en 1552, le Rhône de Peccais modifie brusquement son cours : c’est la naissance du tracé du Petit Rhône actuel. L’ancien lit servira pour creuser le canal de Peccais, qui marque encore de nos jours la limite entre les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône). Dans une IMG_1796.miniature.JPGrégion soumise, dès 1560 aux troubles religieux, il assure un contrôle permanent sur les salines voisines et les canaux servant au transport du sel. » (Office du tourisme d’Aigues-Mortes). Surprenant de trouver un fort à cet endroit si l’on ne sait pas que le sel rapportait autrefois au roi de fructueux revenus et qu’il voulait donc protéger les salines. En tant que gouverneur du Languedoc, et connétable de France, Henri 1er de Montmorency, fils du célèbre Anne de Montmorency (qui était un homme malgré son prénom…) gouverna probablement le fort et les militaires qui s’y trouvaient.

le-voyageur-francois-1765-1795.gifEt si l’on en croit le récit de cet autre voyageur, deux cents ans plus tard, les ennemis du fort seraient les moustiques et la corrosion plutôt que les corsaires et faux sauniers2 !

Plan du fort« L’entrée se situait au Sud, où un pont de bois franchissant le fossé conduisait au tambour défensif de la porte. Les bâtiments agrandis et remaniés après 1716 comprenaient les logements du Gouverneur, du Lieutenant du Roi, du Major et le casernement ; soit trois corps de bâtiment de deux étages disposés en U ouvert vers le Nord, autour de la cour centrale, et dont il ne reste que les vestiges de quelques murs. Des annexes (chapelles, citernes, glacières et magasins) complétaient cet ensemble. Seules les deux citernes, de plan trapézoïdal, ont été conservées. » Je pense avoir trouvé l’entrée de la coursière, déjà comblée lors de la visite de l’ingénieur militaire Mareschal en 1775, qui reliait le sous-sol de la tour Sud-ouest aux chambres de tir du bastion Nord-ouest.

Construction de fonction inconnueQui me dira à quoi servait cette construction creuse (S.-O) photographiée par Thierry lors de sa partie de géocaching, une glacière autrefois recouverte d’une voûte en tuf ?
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Avant d’arriver là, j’étais passée aux portes du Vidourle, croisement du canal du Rhône à Sète avec le Vidourle, rivière tranquille et étroite, déjà observée par l’ingénieur Esprit Linsolas au lendemain des crues du Vidourle, au XVIIème siècle : « le lit n’avait que cent mètres environ de largeur et […] même réduit à un canal fort estroit à son bas bout ». Ces vidourlades1 causèrent pourtant du mal dans tout le pays bas. Au XXème siècle, le problème de ces crues se pose toujours malgré les progrès techniques et une meilleure connaissance du phénomène. Voir les photos sur les crues du Vidourle.

Le Marquis de Baroncelli a été mobilisé en 1914 au fort de Peccais ou Pecays. Sa position stratégique n’échappe pas aux forces armées allemandes qui y établissent, lors de la deuxième guerre mondiale, des casemates bétonnées.

IMG_1801.jpgPostée sur le cul-de-lampe pentagonal qui recevait autrefois une échauguette3 amovible en bois, je vois arriver tous ceux qui s’approchent du fort. De là, on domine les salines. J’entends distinctement un guide expliquer l’histoire des salines à un groupe de touristes qui ne resteront que quelques minutes, sans visiter le fort.

A la fin de la visite, je cherche la cache posée par Gontran77 dans le cadre d’une chasse au trésor high tech (Pour connaître le jeu de geocaching voir la note *Chasse au trésor high tech au barrage Zola dans ce blog). Mon GPS me joue des tours, indiquant que la cache est 5m à droite de ma position alors qu’elle se trouve 1m à gauche. Habituée à ce type d’erreur en fonction des conditions environnantes ou du type de GPS, j’inspecte les deux côtés et je trouve. Quel lieu bien choisi !

img_1809.JPGLe long de la piste communale au retour vers Aigues-Mortes, je m’arrête au bord d’un étang : une famille de cygnes, les uns derrière les autres comme des enfants bien sages, traverse l’étang, nullement effrayée que je sois si près d’eux. C’est ce genre de spectacle dont je ne me lasse jamais…

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Merci Gontran77 pour cette partie de géocaching qui mène dans un endroit perdu, où histoire et nature se rejoignent.

Vidéo de carnet de rando sur le fort Peccais

1Vidourlade : Le Vidourle est un petit fleuve tranquille mais ses crues dévastatrices, alimentées par de violents orages méditerranéens, sont restées longtemps imprévisibles pour les habitants de la plaine. Elles ont donné l’expression populaire « une vidourlade » pour dire une brusque et grosse colère – celles de 1684 et 1689, furent particulièrement violentes
2saunier : Personne qui récolte, transporte ou vend du sel
3Echauguette : guérite placée en surplomb sur une muraille fortifiée ou une tour.

Zinzerling, Justus (1590?-1620?) Voyage dans la vieille France : avec une excursion en Angleterre, en Belgique, en Hollande, en Suisse et en Savoie, 1859
Le voyageur français (français), [1765-1795] ou La connoissance de l’ancien et du nouveau monde, 1765
Frossard, Émilien Tableau pittoresque, scientifique et moral de Nismes et de ses environs à vingt lieues à la ronde, 1834

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