Boudou – Auvillar par Malause

Deuxième partie de l’étape officielle du chemin de Compostelle Moissac-Auvillar : Boudou-Auvillar.

Les sept filles et nous prenons notre petit déjeuner tôt vers 7h15, un petit-déjeuner de marcheuses. Jenny appose le tampon de Compostelle sur notre « crédential del Peregrino » ou credential, passeport du pèlerin de Compostelle qui atteste de notre marche jusqu’ici. Après quelques photos souvenirs du couple Smither avec leurs chiens, nous quittons Pugnal sous un ciel nuageux.

Cela va commencer par une longue montée en sous-bois bordée de fleurs sauvages… Le sentier suit le GR de Pays de Quercy – Pays de Serre puis débouche sur une route à Bourdailles. Sur un poteau de bois est clouée une pancarte « Chemin clunisien Guyenne-Gascogne », un autre itinéraire reliant les sites qui respectent les règles de l’ordre de Saint-Benoit ; ils sont nombreux ces itinéraires culturels ou historiques : celui de Saint-Martin de Tours (rencontré lors d’une randonnée le long du Cher), Transromanica (itinéraire roman du patrimoine européen), Stevenson, chemin cathare, etc.

Chemin clunisien : l’association de mise en valeur du Patrimoine de l’Abbaye de Saint-Maurin et la fédération des sites clunisiens ont été à l’initiative de la création d’un chemin de randonnée nommé « chemin des 3 M » d’une distance de 80,5 km relevant 3 sites clunisiens dont l’Abbatiale de Moissac, l’Abbaye de Saint-Maurin et le Prieuré de Moirax.

Peu avant le hameau de Massip, deux cheminées au loin projettent haut dans le ciel leur panache de vapeur d’eau ; elles nous suivront pratiquement jusqu’à la dernière étape, dépassant d’une bonne hauteur les plateaux et les champs. Ce sont les deux tours aéroréfrigérantes les plus hautes d’Europe (178,5 mètres de haut) de la centrale nucléaire de Golfech : elles assurent un circuit de refroidissement semi-fermé pour chacune des unités de production. Le pompage en Garonne sert à compenser l’évaporation des aéroréfrigérants et à refroidir des circuits auxiliaires de sûreté […].

La centrale nucléaire de Golfech […] produit de l’électricité à partir de l’énergie dégagée par la fission nucléaire de l’uranium. […]. Chaque tranche est équipée d’un réacteur nucléaire à eau pressurisée (REP) […] mises en service respectivement en 1991 et 1994.
En 2013, le site a produit 19,2 milliards de kWh (19,2 TWh). [Il] emploie 939 personnes quotidiennement (739 salariés EDF et 200 prestataires). Extrait de wikipedia

Nous marchons sur la route ; au carrefour avec la D4, c’est Claire qui repère la route de Sainte-Rose ; doublées par un pèlerin pressé, nous prenons le temps de visiter la chapelle Sainte-Rose, et son cimetière qui domine la vallée de la Garonne. J’en fais le tour, entre dans l’église ouverte contrairement à celles de la région PACA où elles sont souvent fermées. Des éléments de styles différents : romans comme l’ancien chœur, un portail du Moyen Age avec, au centre de l’archivolte, le haut d’un personnage qui se « prend la tête », un bénitier à godrons1 du 17è, un retable du 18è et une tribune qui repose sur une double arcade appuyée sur un pilier central. Et toujours un peu de cette couleur de brique rose que l’on retrouve dans la plupart des constructions de la région.

L’église Sainte Rose de Viterbe est datée du 12e ou 13e siècle. […] L’église Sainte Rose est un édifice composite, qui porte la marque de nombreuses reprises. Elle est dédiée à Sainte Rose de Viterbe […]. Indépendante à l’origine, elle fut à partir du 13e siècle, et suite à l’insuffisance des revenus, unie à l’église Saint Jean, dont elle est désormais l’annexe (sauf au 19e, où jusqu’en 1862 elle fut église paroissiale).
[…] On venait autrefois à Sainte-Rose en pèlerinage à cause de l’huile de la lampe qui avait la réputation de guérir les maux pourprés (urticaire ou purpura) et à la suite d’un vœu.
Texte d’après le dictionnaire des paroisses du diocèse de Montauban

Claire ne me rejoint pas. Je la retrouve en grande discussion avec un cycliste qui vient de Slovaquie et compte bien rejoindre Compostelle cet été. Etonné de voir une femme avec un GPS, il me questionne : « Vous faites du geocaching ? » ; « Oui ! vous aussi ? » ; il ouvre la main qui cachait la petite boîte et son logbook ; je décide d’y ajouter mon pseudo. Nous comparons nos GPS : bon à savoir, le mien peut s’installer également sur un support pour vélo. Mais la coïncidence ne s’arrête pas là ; il habite près du couple sylani qui participait, trois jours auparavant, à la rencontre organisée par l’association Geocacheurs de Provence dans laquelle je milite depuis 10 ans. Le monde est petit… Une photo souvenir de Jean Bat’ et nicoulina immortalisera ce moment.

Eglise Sainte-Rose, lolo.ntj

Eglise Sainte-Rose, site de la commune de Malause

Au carrefour avec le GR65, nous passons devant une sobre croix pattée en pierre (plus large aux extrémités), précédée d’une dalle plate. Comme c’est la route vers le chemin du cimetière, je suppose qu’il s’agissait d’une pierre des morts, sorte de console permettant de poser le cercueil. En effet autrefois le corps du défunt était porté à bras d’homme de son domicile au cimetière ; lorsque celui-ci était loin, les porteurs posaient le cercueil sur une dalle au pied d’une croix, priaient puis repartaient.

Le sentier se faufile entre deux haies d’arbres découvrant des pois de senteur sauvages aux fleurs fleurs rose bonbon qui apprécient particulièrement la fraîcheur des sous-bois, du chèvrefeuille… et les deux tours de Golfech que nous retrouverons à chaque détour du chemin. Enfin la route royale mène au centre de Malause.

Avant de partir j’ai feuilleté le guide Miam Miam Dodo édition 2017 ; j’ai appris qu’il y avait à Malause le phare de Saint-Exupéry, phare tournant installé par et pour l’aéropostale afin de voler de nuit, avec 60km de portée ; c’est sans doute à cause de l’appartenance de Saint-Exupéry à l’Aéropostale qu’il se nomme ainsi ; il était allumé par le préposé du village sur demande du commandant de l’aérodrome. Il ne fonctionne plus depuis l’après-guerre. Je n’avais pas trouvé son emplacement au moment de la marche ; maintenant je sais qu’il se trouve sur la route du phare (évidemment !), un peu avant le château quand on se dirige vers Sainte-Rose. Il aurait fallu que nous fassions un détour de 2km180 A/R, 35mn environ, pour voir cette rustique tour métallique.

Le phare de Malause

Nous traversons le canal latéral à la Garonne que nous avions suivi hier ; très agréable balade sous les arbres ; un producteur s’est installé près du pont pour vendre ses cerises : Claire nous ravitaille pour ce midi, d’autres pèlerins nous imitent. Les bateaux de plaisance circulent. Un air de vacances.

Sous le pont du Capitaine, je repère un très vieux point géodésique datant du XIXè et placé par l’ingénieur Paul Adrien Bourdalouë. Bien que la mer soit considérée, dès le dix-septième siècle, comme le niveau de référence aux opérations de nivellement, pour des raisons pratiques, elle est encore très peu utilisée. Quand les travaux sont éloignés du littoral, il est alors d’usage de fixer un plan de comparaison local. Le zéro Bourdalouë pour la Garonne correspondait au niveau moyen de la mer à la pointe de Grave du côté de Royan.

Nous passons l’écluse 28 du Braguel à 5km711 de celle du petit-Bézy de la veille. Puis le pont de Pommevic où un panneau GR65 nous encourage à entrer dans le village ; ce n’est pas le parcours officiel qui m’a été donné mais comme il est l’heure de manger, nous acceptons l’invitation.

Moderne petit village de Pommevic qui dispose d’une station d’épuration par filtres plantés de roseaux. C’est près du lavoir et de son nénuphar que nous nous dégustons le sandwich de Jenny ; Claire mange de bon appétit, ça me rassure. L’avantage d’être passé dans le village, ce sont les toilettes du bar et le café de l’après-repas.

Nous récupérons le canal en descendant une toute petite route ce qui nous oblige à grimper sur le pont par une pente raide ; d’autres pèlerines arrivent tranquillement par la route. En traversant le canal EDF de Golfech, nous évaluons la largeur de celui-ci à 80 m environ : il doit en falloir de l’eau pour refroidir les réacteurs ! après le pont, sur la gauche, le quartier des Bordes avec ses pigeonniers (pigeonnier des Roques) ; si vous regardez la carte autour de Pommevic, vous constaterez que plusieurs toponymes ont la même racine borde2 : Bourdailles, deux Borde Neuve, les Bordes ; et même au delà, à Toulouse, Borderouge.

Alors que nous marchons tranquillement sur la route en bordure de champs, un chien de chasse de taille moyenne à la bouille sympathique nous observe avec attention, sans aboyer ; Claire, peu rassurée, est déjà prête à se défendre avec son bâton de randonnée. Nous avançons, il nous suit ; je me retourne, il est derrière à même distance ; une nouvelle fois je jette un œil par dessus mon épaule, il est toujours là ; une quatrième fois, il n’y est plus. J’avais bien affirmé à Claire qu’une fois hors de son territoire il nous lâcherait. Bruissement dans les maïs ; le vent ? je scrute avec attention : c’est le chien qui se cache derrière les feuilles, en position d’arrêt continuant de nous fixer bien dans les yeux ; nous avançons, lui aussi. Ce n’est qu’au bout du champ qu’il s’arrêtera. Après l’ancienne ferme de Pérouille, ce sont de vastes étendues d’eau de chaque côté : peut-être une gravière ou une sablière ou un plan d’eau de pêche ?

A l’entrée d’Espalais, près de la charrette bleue, nous faisons une pause ‘reprise de forces’. L’accueil pèlerin tout proche propose ombre, eau, café, gîte, pique-nique et accepte les animaux ! Un large monument portant les armoiries de la commune nous souhaite la bienvenue à Espalais : trois ailes d’oiseaux D’azur à trois demi-vols d’argent deux et un. Ce sont les armoiries de Carmentran, seigneur d’Espalais. Mais pourquoi des ailes d’oiseaux (Dans Espalais, il y a ‘ala’ = aile en occitan) ?…

A la sortie d’Espalais, nous découvrons le portail de l’église construit avec les mêmes rangs de pierre blanche en alternance avec la brique rouge typique de la région ; sur le grand rond-point face au pont sur la Garonne, une statue de métal se dresse fièrement. Muni d’un bâton de pèlerin plus haut que lui, au bout duquel gigote une coquille Saint-Jacques, le Pèlerin bombe fièrement le torse. L’artiste albigeois Casimir Ferrer a également livré un pèlerin installé près de l’église de Castelsarrasin.

[Casimir Ferrer] se partage entre peinture et sculpture. Commencées il y a quelques mois, deux de ses sculptures monumentales vont quitter ses ateliers de Saint-Juéry. Un pèlerin patiné de bronze, de 3 mètres, va aller au carrefour de tous les chemins jacquaires, à Espalais en Tarn-et-Garonne. La Dépêche, 15/11/2016

Un passage est aménagé pour les marcheurs à gauche de la route jusqu’au pont sur la Garonne que nous traversons lentement : la vue sur Auvillar tout en hauteur laisse présager qu’il faudra fournir quelques efforts. Sous le pont, un amas de branches bloqué sous un pilier demeure le témoin d’une importante crue. L’occasion pour [Jacques Serbat] d’évoquer les dates historiques des crues de Garonne.

Celle du 22 au 26 juin 1875 baptisé l’aigat de la Sent-Jan (la crue de la Saint-Jean) en premier lieu avec un pic le 24 juin à 12,10 m, puis celle des 3 et 4 mars 1930 dont la hauteur d’eau, 11,75 m, précède de quelque peu les inondations de février 1952 et ses 11,25 m que tout le monde garde en mémoire… enfin loin derrière viennent les 8,89 m de 1981. La Dépêche, 6/02/2003

Nous entrons dans la Gascogne, et l’aire linguistique du gascon, dialecte occitan.

Qui dit ‘port’ à Auvillar, dit ‘bateliers’ dont la devise était : Si vilain sur terre, Seigneur sur l’eau je suis ! En 1789, la Commune d’Auvillar comptait encore quarante-neuf familles de matelots. Les gens de marine avaient dans chaque port, leur église particulière. Presque toutes ces chapelles sont dédiées à Saint-Catherine, patronne des gens de la rivière et des philosophes. A partir du port étaient expédiées les fameuses faïences auvillaraises au décor et à la solidité appréciés ainsi que les plumes d’oies de qualité pour la calligraphie.

L’église des marins (photo wikipedia) date vraisemblablement de l’époque carolingienne. Il est encore possible de voir, au-dessus du porche, à l’extérieur, un monogramme du Christ du IXe siècle. […] Les marins effectuaient des offrandes à leur Sainte protectrice. […] De nombreux ex-votos ont ainsi été retrouvés dans la chapelle ; la plupart représentent des navires de guerre.

Dommage que la pompe à bras ne fonctionne plus : ça nous aurait fait du bien.

Chapelle Sainte-Catherine du port d’Auvillar

En haut du chemin de Peyrat, le lavoir du Peyrat restauré en 2009 mais pas d’indication sur la situation de notre gîte ; j’interroge la pharmacienne qui ne le connait pas ; une riveraine me montre alors la ruelle en forte pente, la rue du bois des charmes : rien que de la voir, nous sommes épuisées. Après la première partie de la montée, je propose à Claire de m’attendre au carrefour du chemin neuf afin que je parte en reconnaissance. Le gîte est bien en haut du cap de Pech ! par un beau jardin fleuri, nous arrivons chez M. et Mme Sarraut ; le propriétaire aura la gentillesse de porter la valise la plus lourde jusqu’au deuxième étage de la maison. Une mauvaise surprise nous attend : il ne propose pas de table d’hôtes et nous devrons redescendre au village pour manger, puis remonter au gîte ! Cette perspective est plutôt désagréable.

La bonne astuce de M. Sarraut : si vous devez vous rendre au gîte Sarraut, ne prenez pas le trajet le plus court mais continuez sur le GR, montez en pente douce et régulière jusqu’à la poste puis par le chemin neuf !

Après la douche et le repos, nous voilà en meilleure forme pour visiter le village vers 18h. Repas au restaurant le Petit Palais au coin de la rue Saint-Jacques. Je pensais manger local mais cela a commencé par des rillettes de la mer provençales mais se termine par un clafoutis de cerises de Boudou.
Lire l’article consacré à la visite d’Auvillar.

Une seconde demi-étape en sous-bois puis sur route, un peu plus longue qu’hier, avec une rude montée jusqu’à Auvillar.

Tracé_09-JUIN-17 couleur ocreImage de l’itinéraire 14.600 km 131 m (+254, -180) ; données officielles 13km, 3h20 ; ajouter distance et temps jusqu’au gite choisi

1godron, de l’ancien français goderon, est un motif d’ornementation en forme de moulure creuse ou saillante, ou de cannelure en relief, de forme ovoïde, servant à décorer la panse rebondie d’un vase
2Borde origine borda cabane en planches. Dans le S.O. ancienne métairie ; le bordier = le métayer

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